• Les boucles de ses cheveux blonds

    Descendent presque à ses talons

    Ses grands yeux verts écarquillés

    Dévorent de loin son bien aimé

     

    Sa bouche rose et si sucrée

    Voudrait c’est vrai, tant l’embrasser

    Ses yeux se closent  quand elle fredonne

    Cet air qui lui rappelle cet homme

     

    Presque vingt ans à peine

    Si belle et si sereine

    Elle n’en est pas moins femme

    Tout au fond de son âme

     

    Derrière la porte dissimulée

    Elle n’ose pas lui avouer

    Elle préfère de loin observer

    L’homme qui occupe ses pensées

     

    Elle s’imagine dans ses bras

    Aimée pour la première fois

    Son cœur bat fort et elle sourit

    Comme si elle souriait à lui

     

    Déjà presque vingt ans

    Si jeune évidemment

    Au fond d’elle si femme

    Elle hurle et le réclame

     

    Elle rêve de sentir sa bouche

    Sur sa peau nue, elle en frissonne

    Elle voudrait être moins farouche

    Elle pense à lui et elle chantonne

     

    Mais en retrait elle va rester

    L’étreindre il ne viendra jamais

    Noyée par sa timidité

    Elle garde son amour secret

     

    A dix-neuf ans pourtant

    Elle qui n’est qu’une enfant

    Voudrait tant retrouver

    Celui qu’elle veut aimer

     

    *Ce texte fait partie d'un jeu d'écriture dont l'idée a été lancée par Lactimelle : une chaîne de personnages attribués d'un participant à l'autre. Elle a été ma marraine, me proposant "une jeune fille de 19 ans, timide". Vous la lirez  en cliquant sur son nom.

    Mon filleul est Greg, et voici les autres participants à lire : Fifi, Emilie, VeniseSohan, Blandine, ainsi que les autres à venir...*

     

     


    6 commentaires
  • “There’s something inside you

    It’s hard to explain”

    Kavinsky

     

     

    - Jewel Box -

     

                La quarantaine approchant à grands pas, il va quand même falloir que je me rende à l’évidence et que j’accepte mon sort : je suis une artiste. Je peins, je décore, je chante, je fabrique, j’écris, bref, je crée. Comme tout artiste qui se respecte je suis lunaire, sensible, entière, à fleur de peau, absente, bordélique, généreuse, préoccupée, parfois irascible, mais gentille le plus souvent possible. Et comme tout artiste qui se respecte j’ai plusieurs vies, et j’enchaîne les coups de foudre, qu’ils soient sonores, visuels ou amicaux.

             Cette vie de créatrice est inondée de musique, nourriture incontournable inspirant sans cesse  mon cerveau torturé. Alors les artistes qui la fabriquent font forcément partie intégrante de cette vie, se changeant même parfois en muses, que je le veuille ou non.

             Il y a d’abord eu l’enfance, marquée par des étés dansants, dans une discothèque de camping improvisée par les propriétaires dans leur propre grange, où se croisaient quelques beaux gosses tout droit sortis du  Mia d’IAM et des familles admirant leurs progénitures se trémousser sur les tubes disco. J’y ai découvert Madness, Giorgio Moroder, Scorpions, les premiers slows, et les effets de l’alcool sur des adultes éméchés essayant d’attraper les éclats de lumière projetés sur les murs par la boule à facettes.

             Ensuite est venue l’adolescence, le métal, le rejet de ce que l'on estime être ridicule, non, j’écoute  pas de chanson française vous rigolez ou  quoi. Se casser la voix sur les refrains de Sepultura, se faire des mèches rouges et porter des jeans déchirés comme Kurt Cobain. Avoir besoin de sentir que les autres souffrent avec vous, que cette rage est partagée. Korn est alors arrivé à point nommé. La souffrance et la rage, donc, expulsées dans des râles à vous tordre les tripes. Mes textes de l’époque se sont vus soudainement ponctués de fuck  à chaque coin de phrase. La pop anglaise est bien venue adoucir un peu tout ça ensuite, mais la toile musicale de ma vie est restée définitivement rock. And roll.

             L’envie de partager m’a naturellement conduite dans les locaux de radios locales, animatrice sur Utopie d’abord et Grenouille ensuite, puis dans l’organisation de concerts pour quelques années d’immersion dans ce milieu qui m’est si cher. De cette époque me restent de formidables souvenirs d’interviews improbables (Serj Tankian sortant de sa douche dans les loges du Dôme, Ben Harper qui me file des backstages pour qu’on parle de Jeff Buckley ensemble après son concert, ou la toute première, Troy Von Balthazar à la volée sur un muret en face de l’Espace Julien). Les démos formidables de Dust ou Tuscaloosa, groupes à la carrière malheureusement éphémère, et la fierté d’avoir co-organisé les seuls concerts hommage à Jeff  Buckley en France.

             Car un jour Jeff a pointé le bout de son nez, et je pense qu’après ça plus rien n’a été comme avant. Le choc a été si violent que presque vingt ans plus tard je ne m’en remets pas. Un éclat de diamant dans un flight-case, c’est ainsi que je le vois. Et depuis j’ouvre les flight-cases à tour de bras, à la recherche de nouveaux diamants, de cette émotion si particulière que procure le mélange du rock ‘n roll et de la sensibilité à fleur de peau d’un homme torturé à la voix d'ange.

             C’est en ouvrant celui de Julien Doré que j’ai découvert Arman Méliès, et que je m’inflige désormais ses tortures volontaires. Il love mes préoccupations de mère de famille dans des draps de soie, il accentue parfois la mélancolie que laissent derrière eux les moments de doute et de faiblesse d’une éternelle fillette qui tente de se débattre dans un monde d’adulte. Alors quand il vient rajouter à tout ça des sons semblables à ceux qui ont bercé mon enfance, puisant dans les années quatre-vingt la juste dose d’influence suffisant à faire vibrer l’éternelle nostalgique que je suis, je suis obligée de lui donner une bonne place au Panthéon de mes idoles, sans doute ex-æquo avec un Eddie Vedder ou un Thom Yorke, et jamais très loin de Jeff.

     

    *

     

    - Dead Boys are back in town -

     

             Et puis suivant Arman de très près, il y a eu Joseph. Il se dit d’Anvers mais vient de Nevers, a écrit pour Bashung et Dick Rivers, aime les road-movies américains, la couleur rouge, préfère la boxe au foot (surtout depuis qu'il a laissé un tendon d'Achille au fond d'une paire de crampons) et les likers. J’ai écouté, aimé, et son troisième album m’a marquée au fer rouge. Comme Arman, il a puisé juste ce qu’il fallait dans les sons électroniques pour révéler toute l’originalité de ses morceaux. Il a été mon compagnon d’infortune lors de mes escapades professionnelles à Paris, a habité mes oreilles dans le métropolitain, et mes yeux (car il écrit, aussi) pendant mes longues soirées d’isolement dans l’antre prêtée par un ami aux abords du quartier de Belleville. Depuis j’essaie même de poser ma voix sur ses mots, timidement, respectueusement, je tente d’incarner la femme qu’il décrit si bien dans Ma peau va te plaire, magnifique chanson initialement destinée à Bashung (Ha !).

             Joseph D’Anvers, c’est un front immense et des yeux lumineux, plantés dans la cour du resto de la Maroquinerie après un concert d’Arman Méliès. Un charisme à tout casser, effrayant, m’empêchant d’aller lui dire à quel point je l’admire.

             Joseph D'Anvers écrit, aussi, disais-je plus haut. Une histoire sombre de pluie interminable, d'amour torturé et de meurtres sur fond de rock 'n roll.

             Joseph D'Anvers raconte, également. Les Dead Boys, héros de nouvelles écrites par Richard Lange. Il a décidé d’en faire un spectacle, atypique, en forme de road-movie musical, dans lequel il donne vie à ces personnages désœuvrés et bruts de décoffrage.

             Joseph, c’est aussi un homme de son époque, connecté aux réseaux sociaux, qu’il maîtrise à merveille. Il sait l’impact d’un like, d’un commentaire bien placé, d'un post intimant avec humour l’ordre de partager divers évènements…  Il a compris l’importance d’une réponse à un mail timide, dans lequel je tente de dire à distance ce que je n’ai pas osé lui dire de plus près. Alors de mails en commentaires, de like en smiley, la glace s’est brisée, et l’impressionnant artiste a peu à peu fait place au musicien accessible et sympathique, ne faisant qu’augmenter mon envie de le rencontrer et d’échanger quelques mots avec l’homme.

                La première des Dead Boys à Paris a failli m’en donner l’occasion, mais un empêchement de dernière minute m’a obligée à attendre encore. La vie reprend donc son cours. Le boulot, l’inspiration, trop d’idées et pas assez de temps… Et la Friche, que j’aperçois de ma fenêtre, lieu atypique par excellence, ancienne manufacture de tabac reconvertie en pôle culturel et artistique, que j’imagine hantée par  quelques Dead Boys oubliés. Un jour, peut-être…

             En attendant, c’est à Manosque qu’ils ont décidé de poser leurs valises. Ils se rapprochent. Mais si, c’est Facebook qui me l’a dit, ils arrivent le vingt-sept septembre à vingt-deux heures trente. Enfin ! Enfin… S’il reste des places, merde, je l’ai échappé belle, j’ai chopé les deux dernières, il a du succès le bougre ! Après une heure et demie de route (oui, on a raté la sortie, deux nanas qui papotent en bagnole, vous êtes surpris ?!) on approche du but, le Café Provisoire montre timidement le bout de son nez dans la nuit encore bien tiède d’un été qui s’éternise. Il y a un spectacle avant, Jacques Gamblin je crois, on attend que les gens sortent, le cœur battant, l’excitation grondant au fond du bide…

             Les portes s’ouvrent enfin et c’est d’un pas robotique que je pénètre dans la salle, aperçois les coussins dispersés sur le sol pour ceux qui se mettront devant, mais je choisis le confort des chaises, un peu plus en retrait. Encore un peu d’attente et la lumière s’éteint, le voilà, boitillant (son tendon d’Achille est encore faible), s’installant dans un silence religieux, et le spectacle commence. Hypnotisée je suis. Les Dead Boys sont là, paumés, rageurs, pénétrants. Ils sont tous différents et pourtant parlent d’une seule et unique voix, celle de Joseph, qui les raconte avec une vérité fascinante. Il leur prête sa musique, leur invente des envolées de guitare, habille ainsi des mots qui lui collent à la peau, comme si c’étaient les siens. Quand il lâche sa guitare, c’est pour donner plus de rythme encore à ces  mots, avec ses mains et parfois même ses épaules, comme un boxeur. Comme un ancien boxeur, tiens, c’est vrai qu’il l’a été. S’en est-il rendu compte ? Les mots deviennent ainsi les armes tranchantes d’un combat sans merci entre le conteur et les contés. Je réalise alors à quel point je suis ravie d’être ici, me dis que je me contenterai quand même difficilement de la version alternative, quand, après un silence vide d’applaudissements (le public a attendu la toute fin pour ça. D’abord surprise, j’ai ensuite trouvé que la représentation prenait ainsi une toute autre dimension…) il entame une mélodie que je connais. Je souris en pensant qu’il fait bien de recycler ses propres musiques quand de nouveaux mots arrivent : les siens. Car ce que j’ignorais, c’est que le road-movie, déjà bien captivant, était ponctué de quelques morceaux à lui (dont Ma Peau Va Te Plaire, putain mon cœur s’est arrêté de battre).

             Après les fameux applaudissements tardifs marquant la fin, encore sonnée par ce déferlement d’émotions, je rejoins le bar du Café Provisoire afin de reprendre mes esprits. Et après un café-débriefing avec ma co-voyageuse, j’aperçois Joseph pointant le bout de son nez, une béquille à la main. J’hésite un instant, un court instant, non cette fois je ne laisserai pas passer l’occasion. Je l’interpelle timidement, heureusement Facebook a déjà fait les présentations, le contact est plus facile et la conversation démarre toute seule autour du spectacle. J’en profite pour lui faire signer son livre, les deux éditions, j’ai toujours eu un côté groupie, j’avoue et j’assume… Il me dit combien il faudrait voir la version intégrale du spectacle, oui, je sais bien, tu penses, mais la prochaine à Paris est en pleine semaine et je bosse, of course, alors à quand les Dead Boys à Marseille ? 

             On se dit au revoir, il est attendu et moi aussi, je lui souhaite le meilleur pour la suite, il est tard et j’ai du chemin pour rentrer. On se dit à bientôt, de toute façon Dead Boys n’en est qu’à ses débuts, on se recroisera sûrement quelque part… Il n’oublie pas de me recommander la plus grande prudence sur la route, attentionné en plus, voilà. Joseph.

              Joseph, j’avais envie de le prendre par le bras pour l’emmener chez moi finir la discussion autour d’un café, parler de tous ces mots, de tous ces sons, qui se muent en émotions si intenses. Parler de son histoire, de son bagage artistique, de ses influences, tiens, j’ai pas été journaliste moi à une époque ? Déformation professionnelle sans doute…

             Joseph, j’avais envie (mais peur !) de lui jouer ma version de sa chanson, de lui présenter mon amoureux avec qui il s’entendrait sûrement à merveille, dans un monde parfait ils se taperaient le bœuf dans mon salon.

             Joseph D’Anvers, qui après trois albums et un roman vient de rajouter une corde à son arc et de s’installer définitivement dans le trio de tête de mes favoris, poussant du coude au passage Pearl Jam et Radiohead, déjà bien bousculés par Arman Méliès…

             Et  comme j’ai de la chance (je suis née un vendredi treize, sans rire), il s’avère que par une étrange coïncidence je serai en vacances le 31 octobre,  j’avais oublié, dis. Je ne louperai donc pas les Dead Boys à Paris. Ouf.


    2 commentaires
  • Au début du printemps dernier

    C’est là que tout a commencé

    Désespérée elle a quitté

    L’homme qu’elle ne pouvait plus aimer

     

    A maintes fois elle a tenté

    Chaque fois elle a échoué

    A tant vouloir le cajoler

    Elle a fini par s’oublier

     

    Ses yeux veulent se fermer

    Ses mains ne plus toucher

    Les larmes vont couler

    Le remords la ronger

     

    Elle voudrait consacrer sa vie

    A se donner juste pour lui

    Aimer cet homme diminué

    Ce fardeau si lourd à porter

     

    Mais ce printemps inespéré

    Ce ciel si bleu, immaculé

    La font rêver, elle qui voudrait

    Redevenir ce qu’elle était

     

    Ses yeux veulent se fermer

    Ses mains ne plus toucher

    Les larmes vont couler

    Le remords la ronger

     

    Un jour peut-être elle reviendra

    Un jour peut-être dans ses bras

    Soigner ce corps qu’elle a aimé

    Guérir cette âme si abimée

     

    Sur ce chemin de terre battue

    Elle dit adieu, elle n’en peut plus

    Elle part sans même se retourner

    Sur le chagrin de son aimé

     

    Ses yeux veulent se fermer

    Ses mains ne plus toucher

    Les larmes vont couler

    Le remords la ronger

     

    *Ce texte fait partie d'un jeu d'écriture, la contrainte proposée par Venise était "Tout a commencé au printemps dernier". Vous retrouvez des variations chez mes camarades de jeu, leurs prénoms sont les liens à suivre...

    Venise, Emilie, MissThéRieuse, Lactimelle, Blandine, Greg, Isa, Sohan,  et d'autres à venir peut-être...*

     

     


    4 commentaires
  • - La Maison Tellier / Arman Méliès - Annecy -

    - Le Brise-Glace -

     

         

    En Nous La Vie



     

                Pendant mon escapade "Joseph D'Anvers" à Paris, j’apprends qu’Arman Méliès et La Maison Tellier font affiche commune sur Annecy, et qu’ils m’offrent un peu de leur temps pour une interview… Me voilà donc partie pour un week-end savoyard !

    J’arrive à la salle en début d’après midi et découvre un lieu atypique, le Brise Glace. Véritable plaque tournante des musiques actuelles, cet endroit chaleureux (malgré le climat régional !), mené par une équipe impliquée et fort sympathique, propose moultes activités à un public de tout âge. Des locaux de répétitions aux concerts, des formations aux partenariats avec les réseaux culturels, bref, un lieu qui compte. Leur dernière idée, brillante : proposer à La Maison Tellier de jouer devant des enfants ! L’après midi du groupe est donc chargé, m’obligeant à attendre avant de leur poser mes questions… Je m’installe alors bien sagement dans un coin de la salle, et assiste avec délectation aux balances d’Arman…

    Après les deux interviews il est rapidement l’heure du concert et je trépigne d’impatience devant la salle, ignorant le froid polaire de ce début de soirée savoyarde. Le public, tout aussi pressé, s’agglutine devant l’entrée et les portes s’ouvrent enfin. C’est La Maison Tellier qui commence et je ne les ai encore jamais vus en live. Beauté Pour Tous m’a déjà mis une sacrée claque, alors autant dire que je les attends au tournant… Dès leur arrivée  sur scène, le ton est donné : simplicité et générosité. Les gaillards s’offrent entièrement à travers leur musique, nous livrent leurs chansons avec humour, amour, passion, et je retrouve avec bonheur toute l’authenticité de leurs disques. En vrai, en live, devant moi. Je fonds. J’ai envie que ça dure toujours, j’ai envie d’aller y habiter, moi, dans ce bordel normand. En plus il y a une fête foraine dans leur jardin, un vrai paradis… C’est ça l’effet LMT. Des musiciens tous différents mais en osmose complète, chacun apportant sa pierre à l’édifice, magnifiant cette musique déjà si riche. Helmut, le chanteur, s’abandonne au service des mots, ses propres mots, qu’il nous sert avec une intensité rare. Porté par les autres musiciens, qui, chacun à sa manière, subliment le spectacle. La délicatesse feutrée du trompettiste, la discrétion de l’indispensable contrebassiste, l’implication acharnée du guitariste, la folie du batteur… Tiens, parlons-en du batteur. Survolté. Torturé. Il emmène le public dans sa transe, meneur enragé, dévoilant ses tripes à coup de hurlements tonitruants, offrant plus de profondeur encore à ce spectacle envoûtant. Je me demande ce qui l’attend à la sortie, la civière ou la camisole…

    Encore éberluée par la puissance de ce show, je reconnais soudain le début de ma chanson préférée, La Maison De Nos Pères. J’en souris de bonheur et m’abandonne, les yeux fermés, à la joie d’être là. Au premier rang, accrochée à la barrière, je vis ce que je pense être à ce moment-là l’apothéose du concert, mais je me trompais. A ma grande surprise c’est Petit Lapin qui m’emmène loin, très loin, au bord des larmes même je vous assure… Epatée, transportée, je les regarde s’en aller sur Mauvais Coton, un final tel je l’imaginais sur le disque, chaleureux et captivant. Bonne route, les gars, revenez vite…

                    La salle se rallume sur un public ravi (bien que frustré de ne pas avoir eu de rappel), moi je vais m’assoir un moment pour attendre la suite et me remettre de mes émotions. Je ne tarde pas à aller retrouver ma place devant, car voilà Arman qui pointe un minois timide et discret, branche sa guitare et entame une mélopée planante et torturée. Ses musiciens le rejoignent et la boîte à bijoux s’ouvre enfin, livrant au public les joyaux dont il a le secret. Plus près de la scène que jamais, j’ai tout le loisir d’observer la manière dont ils abordent ce concert. Etrange d’avoir assisté aux balances et de voir ensuite le résultat en public… Je retrouve avec amusement l’application presque scolaire de Pacôme, le clavier, sur des back vocals parfaites qui habillent à merveille l’univers d’Arman. Tout est là, la froideur des sons électroniques enveloppés dans les bras tortueux de sa guitare, le grondement perpétuel qui vient prendre les tripes à chaque morceau, la chaleur et la tendresse de sa voix si touchante parfois… Il se donne, s’oublie, offre au public cette musique si prenante, si précise, si ensorcelante. Précise, oui, car Arman est un orfèvre de la mélodie. Ses morceaux sont ciselés, ficelés, taillés comme des pierres précieuses. Il nous rend à travers eux, au centuple, son amour pour la musique.  Et moi, en face, je suis envahie d’émotions, plus fortes les unes que les autres. Le point culminant bien sûr est Sylvaplana, deuxième fois de la soirée que je me retrouve au bord des larmes. Je ne sais pas si je vais tenir le choc longtemps. Toujours cette impression, troublante et fascinante, que le plafond va exploser et nous envoyer dans une autre galaxie…

    Arman nous laisse dans cet état et s’éclipse sous les applaudissements incessants, pour mieux revenir nous donner encore un peu de lui. Il en plaisante, cette histoire de rappel faussement imprévu le fait sourire, on sait tous comment ça marche… La fin du concert est délicate, moelleuse, comme pour mieux nous faire aborder la nuit qui va suivre. Mon cœur s’emballe sur les dernières notes, comment vous dire à quel point je n’ai pas envie que cette soirée se termine… Je rejoins malgré tout la sortie et retrouve mon hôtel, des étoiles plein les oreilles.

    Ce soir mon cœur a tremblé, mes yeux ont pétillé, le Brise-Glace a fondu. La chaleur  du foyer Tellier et du trio Méliès a repoussé un peu l’hiver précoce, me faisant espérer que vite, très vite, je les retrouverai à nouveau au coin du feu.

     

     

    - La Maison Tellier

    En Nous La Vie

       En Nous La Vie En Nous La Vie

     

     

    - Arman Méliès

    En Nous La Vie

                    En Nous La Vie               En Nous La Vie


    2 commentaires
  • Paris, 30 octobre 2013.

    J’ai bien cru que je ne pourrais jamais vous la livrer, cette interview. L’emploi du temps de ma ‘victime’ du jour est si chargé que l’heure du rendez-vous a valdingué à maintes reprises de droite à gauche, voire de bas en haut, façon boule de flipper… Mais on y est arrivé, la rencontre est fixée finalement pour dix-huit heures au café La Laverie, son quartier général, et me voici donc ravie de vous faire partager cet entretien.

     

    Ménilmontant - 16h30

    Je découvre le lieu du rendez-vous en avance, il fait frais mais beau aujourd’hui et j’ai décidé de m’offrir un après-midi en mode ‘j’écris à la terrasse d’un café’. Le quartier que je connais un peu est très sympa, et la météo me renvoie mon bonheur d’être là en pleine figure : ciel bleu et soleil inondant les rues.

     

    La Laverie - Rue Sorbier - 18h06

    Joseph arrive et me rejoint à l’étage où j’ai finalement posé mes pénates, l’automne commençant à être bien trop frais pour rester en terrasse. Il s’excuse de son retard (six minutes, dois-je lui en tenir rigueur ?), et la discussion démarre immédiatement autour de Dead Boys.

     

     La Fraise : Alors, prêt pour la version « normale » ?

    Joseph D’Anvers : La version debout ! Oui, même si je suis encore un peu raide, là… J’ai répété toute la semaine debout, justement, pour voir… Ca va aller, hein, bon, ce sera la version « normale mais un peu raide » !

    LF : Mais parlons un peu de toi, d’abord, tu es auteur, compositeur, interprète, écrivain…

    Joseph m’interrompe en rigolant, modeste, essayant de nier : « Non, non non ! Ca commence mal, tu t’es pas bien  renseignée ! C’est pas moi ça…»

    Je lui avoue que ce ne serait pas la première bourde que je commettrais, j’ose lui donner quelques détails (que vous n’aurez pas) et on se marre un instant. Mais je reprends vite le fil du sujet, n’oubliant pas que son temps est compté.

    …as-tu assez de place dans ta vie pour y mettre toutes les autres ?

    Joseph D’Anvers : Toutes les autres quoi ? Mince, désolé, j’ai déjà oublié la question !

    LF : Toutes les autres vies !

    JDA : Ah oui ! Non, bien sûr… Heureusement (ou malheureusement), c’est d’ailleurs mon drame depuis le début, je suis passionné par tout et je n’ai pas assez de temps pour tout faire ! Pas assez de place, pas assez de temps ! Surtout que chaque projet que j’initie prend beaucoup de temps, que ce soit un roman, un album… Ca prend du temps et beaucoup d’énergie. Et ce ne sont pas des milieux qui aujourd’hui drainent le plus d’argent et d’enthousiasme… Il faut être la locomotive, sans cesse. En ce moment en plus c’est une période un peu particulière pour moi, j’ai beaucoup de trucs sur le feu : Dead Boys, l’album, des projets avec des gens pour qui j’écris… Alors quand je suis au top c’est super, je pourrais déplacer des montagnes, et puis dans les phases où je suis un peu… « down », du coup c’est plus compliqué. Après le tout c’est de faire les choses comme il faut, quoi !

    LF : Tu as un parcours assez particulier (Boxe, Arts Appliqués, Cinéma), comment et pourquoi la musique a-t-elle pris le dessus ?

    JDA : Par hasard. Je faisais déjà de la musique avec Polagirl et Super 8, des groupes qui étaient un peu plus underground. On faisait des petites tournées roots où on partait à quatre, les trois musiciens et l’ingé son, on se relayait pour conduire, tu vois, on avait dix-neuf/vingt ans, c’était assez génial ! Mais je savais que je ne gagnerai pas d’argent avec ça et je ne voulais pas en faire mon métier, c’était vraiment à titre de passion. Et puis la bascule s’est faite un jour de printemps, où j’ai rencontré Daniel Darc boulevard Rochechouart. Je lui ai filé ma maquette et je lui ai dit : « Je t’emmerde pas plus, j’aimerais juste que tu écoute, si ça te plait ça va sinon pas grave, on s’en fout ! Si tu trouve ça nul tu me le dis et on en parle plus ! ». Il m’a répondu qu’il ne se permettrait jamais de dire que c’est nul. Qu’à partir du moment où tu as la démarche d’écrire, et de faire écouter, on peut dire ‘j’aime pas’ mais pas ‘c’est nul’. Après il m’a dit « T’as une bonne gueule, toi, viens on va boire un coup ! »

    LF : Et vous avez bu des coups…

    JDA : Et oui, on a bu des coups ! Et la bascule s’est faite là parce qu’en sortant de cet entrevue je me suis senti galvanisé, je me suis rendu compte qu’on pouvait faire de la musique comme lui faisait, qu’on avait pas forcément besoin d’être médiatisé, y’a juste besoin d’écrire et d’avoir un peu d’argent (c’est pas toujours simple) pour pouvoir produire ce qu’on fait, et puis qu’on pouvait… Je dirais pas être heureux, parce que je ne sais pas s’il était heureux dans la vie cet homme là, mais il avait un truc…  Et dès le lendemain j’ai posté un dossier au FAIR (Fond d’Action et d’Initiative Rock). J’étais encore assistant opérateur à l’époque, je bossais sur une grosse pub et le dernier jour du tournage je reçois un coup de fil de la directrice du FAIR qui dit que je suis pris ! Et ce même jour je venais d’avoir aussi une proposition pour partir sur le film de Xavier Beauvois Le Petit Lieutenant… Du coup je me retrouve avec ces deux trucs, avec les gens qui me demandent si je préfère faire du cinéma ou de la musique… Moi j’avais toujours eu les deux, mes deux jambes, en quelque sorte. Et là je me retrouvais confronté à ce qu’on me prédisait depuis des années, à savoir qu’il fallait faire un choix… J’ai beaucoup réfléchi, en même temps Le Petit Lieutenant c’était avec une chef opérateur réputée très dure avec son équipe, une sacrée réputation dans le métier… Alors je suis dis que si je partais trois mois et que c’était l’horreur humainement, même si le film était très bien (et il est bien d’ailleurs) ça allait être difficile. Du coup j’ai pris le pari d’arrêter cette vie là et de partir vers l’inconnu.

    LF : Et le FAIR t’a mis le pied à l’étrier, donc ?

    JDA : Oui, la directrice m’a dit qu’à partir de là j’allais sûrement recevoir des coups de fil de maisons de disques, de labels, qu’il fallait surtout que je ne dise oui à rien et que je l’appelle avant ! Et une fois que les coups de fils sont arrivés en effet, les choses étaient lancées… Tout ça grâce finalement au hasard, si je n’avais pas croisé Daniel Darc ce jour là… Je ne crois pas vraiment au hasard en fait, mais parfois… Tiens, pour la petite histoire, aujourd’hui à La Maison De La Poésie, en allant poser le matos je tombe sur un pote de lycée, un grand ami même, que j’avais pas vu depuis mes dix-huit ans, genre. J’avais  essayé de retrouver sa trace pendant des années, tu vois, sur Facebook, internet, mais rien… Et là on se retrouve face à face, on va se revoir et c’est cool. Alors le hasard…

    Il sourit, il a les yeux qui brillent. Il rajoute « Et du coup je suis vachement content, quoi ! »

    LF : Concernant tes albums, l’évolution ‘rock’ est flagrante, et s’impose carrément sur Rouge Fer. Le prochain suit-il le même chemin ?

    JDA : Pas du tout. En fait, dès le début j’ai considéré le premier (Les choses En Face) comme une parenthèse. Je venais de Polagirl et Super 8, des groupes qui envoyaient, qui avaient la patate, bien rock quoi. Enfin moins Polagirl, surtout Super 8. Polagirl c’était très… Tiens, d’ailleurs, je te livre un scoop : on va peut-être remonter le groupe. On a réécouté récemment et c’est vachement d’actualité en fait ! Une voix slammée sur une musique rock, on s’est dit que c’est maintenant que ça marcherait ! Et donc quand j’ai signé le projet ‘Joseph D’Anvers’ on m’a signé pour ce projet là. Mais j’ai prévenu le label tout de suite, je leur ai dit que moi je ne voulais pas forcément faire de la chanson française. J’avais un peu des idées à la con à l’époque… Du coup c’est mes potes qui m’ont mis au défi : « Ben vas-y, écris des chansons en français toi, si c’est si facile ! ». Et puis je me suis pris au jeu, j’ai voulu faire les choses bien et plus par défi, je me suis jeté à fond dans le projet… Mais toujours en prévenant la maison de disques que je venais du rock et que les albums suivants seraient différents ! C’est pour ça que dès le deuxième j’ai voulu bosser avec le producteur des Beastie Boys, des mecs de cette trempe là, parce que c’était plus proche de ce que j’étais vraiment. Et Rouge Fer, du coup, c’est celui qui est le plus proche de ça. Y’a des sonorités Polagirl, un peu, avec dix ans de plus bien sûr… Mais paradoxalement, le prochain sera finalement différent. Je me suis dit que j’avais pas envie de continuer, ce serait finalement synonyme de retour en arrière en fait. Je me suis dit que maintenant j’allais essayer de faire une synthèse des trois albums. En avançant dans l’âge, en plus,  j’ai plus envie de ressembler à Nick Cave qu’à Block Party tu vois ! Du coup cet album a été conçu un peu plus dans cette idée là. On me parle souvent des mes ‘aînés’, Miossec, Dominique A, Bashung, Daniel Darc, Gainsbourg… Et je me suis dit voilà, pourquoi pas essayer de faire un album un peu plus ‘français’ (même si c’est toujours un peu difficile de mettre des mots sur ce que tu fais), un peu plus classieux… Avec un  peu moins de recherche sur les sons, juste faire tenir un album debout avec guitare-basse-batterie-piano. Donc non, pas d’évolution plus rock !

    LF : Au fil de ces albums tu as eu des collaborations assez variées, est-ce qu’il y en a de prévues sur le prochain ?

    JDA : Oui, justement pour Rouge Fer j’avais eu l’accord d’Alison Mosshart qui devait chanter sur un titre. Mais à l’époque elle était avec Jack White dans The Raconteurs et malheureusement son planning ne collait pas avec le mien, j’avais juste quinze jours de studio payés par le label je pouvais rien décaler… Du coup je me disais pourquoi pas, même sur album plus calme y mettre un genre de rockeuse comme ça ce serait cool, j’aimerais bien une voix anglo-saxonne… Mais rien n’est bouclé ! En fait sur chacun des albums à chaque fois les collaborations sont venues assez tard. Pour Miossec c’était au bout d’une semaine de studio, on me dit qu’il y a un mec qui veut venir chanter sur mon album, « c’est Miossec » ! Genre ah ouais, mais sur quoi, merde, quand, quand ?! Et puis sur le deuxième à Los Angeles on me présente Money Mark, il me dit qu’il a entendu ma chanson au mixage et me demande si j’ai pas besoin d’un clavier dessus, je lui réponds que non mais que j’ai besoin d’une voix et c’est arrivé comme ça… Et Troy c’est pareil…

    LF : Justement, en grande fan de Chokebore je voulais te demander comment tu en étais venu à travailler avec le chanteur (Troy Von Balthazar)…

    JDA : Ben Troy en fait on s’est rencontrés à Troyes… C’est marrant, ça, de rencontrer Troy à Troyes ! On avait fait là-bas un co-plateau avec Dionysos. On a bouffé tous les deux et j’ai fini par lui lâcher que j’étais fan de Chokebore, je voulais pas en faire trop en même temps, j’avais entendu dire que le mec était un peu compliqué… Et puis on a vachement discuté, il s’avère qu’il est bien cool, il m’a dit qu’il avait vu mon show et qu’il avait bien aimé, genre dithyrambique et tout… Et moi j’étais là, putain, Chokebore quoi ! Faut savoir que j’ai crée Polagirl  après un concert de Chokebore, tu vois… Un genre de révélation, quoi ! Bref après ça on s’est perdu de vue, et un jour il m’envoie un mail qui me dit « Je suis à Paris, est-ce que ça te dit qu’on aille se boire un coup ? ». On se revoie deux-trois fois, lui il voulait s’installer par ici, il cherchait des contacts auprès des labels, moi j’avais une chanson que je n’arrivais pas à boucler, j’étais prêt à laisser tomber. Et puis j’ai eu trois jours supplémentaires d’enregistrement au studio, j’ai fait venir un nouveau guitariste qui a trouvé le morceau super et on l’a bouclé en un après midi. Mais j’avais toujours pas fini les refrains, c’est moi qui chantait dessus mais je faisais ‘la la la’, j’aimais bien parce que je le faisais un peu à la Jesus & Mary Chain, mais j’avais pas de texte ! Et j’ai fini par envoyer un message à Troy. On s’est retrouvé à La Fée Verte (un bar à absinthe !) je lui ai fait écouter le titre, il a bien aimé et quand je lui ai dit que je n’avais pas de paroles, il m’a dit qu’il allait s’en charger. Trois jours après il débarque au studio, il me balance le texte, la ligne de chant…. Et là j’ai Troy dans le studio, quoi ! C’était génial de le diriger parce qu’il s’est vachement prêté au jeu, et il était super content du résultat à l’arrivée. Moi en plus à  chaque fois, à chaque collaboration je demande la validation de l’artiste. Je leur demande s’ils veulent changer des trucs, refaire des prises. Ils savent très bien que c’est pas avec moi qu’ils vont passer sur NRJ ou se payer une maison à Malibu, et c’est pareil pour les réalisateurs sur les albums, les américains ou encore Darrell Thorpe je les ai tout de suite prévenus que je pourrai pas les payer comme les Beastie Boys ou MacCartney ou Radiohead… Mais je leur dis « Si y’a du kif, venez ! » et j’ai toujours eu la validation directe des mecs.

    LF : C’est assez valorisant, finalement…

    JDA : Oui, c’est sûr que ça flatte l’ego ! C’est vrai qu’à chaque fois sur mes albums j’ai eu de la chance, de belles rencontres, des bons parrains… Je me dis des fois que j’aurais pu approfondir telle ou telle chose, mais avec le recul je suis fier de ce que j’ai fait !

    LF : Pour revenir à Dead Boys, est-ce que le spectacle a eu une influence sur tes nouvelles écritures ?

    JDA : Non, en fait Dead Boys a plus eu une influence sur Rouge Fer. J’ai lu le bouquin pendant que j’écrivais l’album et je ne sais pas trop dans quelle mesure il l’a influencé, mais il l’a influencé c’est sûr…

    LF : Sans doute dans son côté road-movie je pense… Rouge Fer -à mon sens- sonne vraiment comme un road-movie, à l’image du bouquin de Richard Lange.

    JDA : Oui, ça a marqué l’album d’une certaine façon. Quand je fais un disque je n’écoute pas de musique, comme beaucoup, d’ailleurs. Si t’écoute autre chose pendant que tu bosse ton truc, tu te file des complexes, ou tu t’éparpille, ou tu finis par trop coller à tes modèles… Du coup moi je regarde des films et je lis des bouquins. J’en sors parfois de bonnes idées d’histoires, je me demande si je peux mettre en chanson ce qui a été raconté autrement… Pour le prochain album j’ai essayé de me sortir un peu de tout ça, j’ai un peu changé mon vocabulaire, ma façon d’écrire, mes thématiques…  J’ai essayé de faire en sorte qu’il soit moins abîmé, moins rugueux que Rouge Fer. Plus simple, plus accessible. Et paradoxalement, c’est celui que j’ai le plus travaillé… Ca fait un an que je suis dessus et on est toujours pas en studio. J’ai retravaillé les chansons, les textes, je me suis forcé à simplifier. Parfois je me disais « Trop littéraire, tout ça, t’écris des chansons, pas un roman ! ». Et puis en même temps j’ai aucune prise sur ce que tout ça va devenir après, en fait. Pour Sweet 16, une chanson qui parle de la schizophrénie, je me suis inspiré d’un morceau très dark qui était sur la BO de Breaking Bad. J’avais envie de faire un truc très très sombre un peu à la Killing Joke, Danzig… Et puis ben j’ai pas la voix du mec, on est d’accord ! Du coup c’est devenu Sweet 16. Et quand un jour on m’a dit que ça pouvait devenir un single, j’ai trouvé ça marrant parce que c’est pas du tout comme ça que je voyais les choses… C’est comme quand on me dit que je fais du rock, tu vois. J’ai envie de dire les gars, écoutez Super 8, ça c’était vraiment du rock ! Et en même temps on dit que Bashung faisait du rock alors oui, peut-être que j’en fais aussi… C’est très compliqué finalement les points de vue ! T’auras beau écrire mille fois ‘le ciel est bleu’, y’en aura toujours un qui viendra te demander pourquoi t’as voulu dire que le ciel était gris… Non, mec, j’ai bien écrit que le ciel était bleu ! Et c’est tant mieux quelque part, même si moi j’aime bien tout maîtriser…

    LF : Tu as écrit un très bel album pour Dick Rivers ; comment s’est passée la collaboration ?

    JDA : Bien, bien… On s’est rencontrés aux Franco, à la Folie… (Il s’interrompe et se marre) A la Rochelle, je veux dire ! Je devais jouer sur la grande scène avec lui, on reprenait Walk The Line de Johnny Cash, c’était la première fois que je jouais devant autant de monde ! Juste guitare voix en plus… Je tremblais tellement que je n’arrivais même pas à brancher le jack dans l’ampli ! Je me suis dit que ça commençait plutôt mal… Tout s’est bien passé finalement, et ça a été une vraie rencontre. Comme un coup de foudre avec une femme, tu vois ! Il m’a demandé de lui écrire des chansons. A l’époque j’écrivais pour Bashung, j’avais plusieurs titres mais certains m’ont paru être plus faits pour Dick.

    LF : Je me demandais comment tu avais abordé cet album. Avec des chansons déjà prêtes, ou que du neuf ?

    JDA : J’ai quasiment tout écrit sur mesure. Après sur les douze chansons  y’en avait une que j’avais faite pour moi, par exemple, et que j’ai gardé pour lui. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de cet album, pour Bashung ça a été pareil, il fallait que ces chansons puissent être chantées aussi bien par eux, des mecs qui ont soixante balais et tout ce bagage, que par moi, qui à l’époque avait la vingtaine… Etre crédible dans les deux cas. En faire quelque chose d’universel. Mais finalement avec Dick ça a été assez facile, comme il l’a dit lui-même « Je suis un interprète, de la pâte à modeler. Emmène-moi où tu veux » ! Et tout s’est bien passé.

    LF : Tu as aussi écrit un roman, comment est-ce arrivé dans ta vie ?

    JDA : Une commande. L’éditeur voulait une série de quelques polars écrits par des chanteurs, on devait être plusieurs dont Arthur H entre autres je crois, et puis finalement tout le monde s’est débiné et il n’est resté que moi ! Ca a été un long travail, j’ai passé presque un an déjà sans rien écrire, à créer l’histoire dans ma tête... Et puis après je l’ai monté, petit à petit, je voulais une construction bien particulière en plus. J’ai été très absorbé par le projet pendant un moment ! Mes proches m’ont d’ailleurs gentiment fait remarquer que j’avais pas été très cool pendant cette période… Et moi je ne me suis rendu compte de rien ! Mais je suis fier de l’avoir écrit, et surtout fier de l’avoir fait malgré mon vieil ordi dont la touche apostrophe ne marchait plus ! J’étais obligé d’aller sur internet pour les copier-coller, un truc de dingue… Et crois-moi, dans un roman il y en a des apostrophes !!

    LF : Un deuxième en prévision, peut-être ?

    JDA : Peut-être, je sais pas encore. Pourquoi pas ?

    LF : Revenons au projet Dead Boys, que tu joues demain à La Maison De La Poésie. Comment t’es venue l’idée du spectacle ?

    JDA : Une commande…

    LF : Encore ! Décidément…

    JDA : Oui, dans le cadre du festival Le Marathon des Mots à Toulouse, ils m’ont demandé de choisir  un auteur pour une lecture musicale. Je ne voulais pas forcément choisir un auteur français, j’ai hésité et puis je suis parti sur Richard Lange. Je les ai tout de suite prévenus que j’étais pas comédien, que je ne voulais pas (et pourrai pas) jouer les textes mais plutôt les raconter. Et puis le spectacle a plu, et j’ai décidé d’essayer de l’exporter un peu partout. Ca se fait doucement, je commence à avoir pas mal de contacts et ça se met en place.

    LF : Comment est-ce que tu as choisi les extraits que tu lis ?

    JDA : J’ai d’abord pris ceux qui me plaisaient, et puis j’ai beaucoup élagué ! J’ai surtout gardé ceux qui ‘sonnaient’ bien. Pas de phrases trop longues, plutôt ceux qui étaient bien rythmés.

    LF : Tu as inclus quelques morceaux à toi, pourquoi ceux-là en particulier ?

    JDA : Parce que je trouvais qu’ils allaient bien avec les histoires que je raconte dans le spectacle. Las Vegas bien sûr pour le lieu, mais aussi Ma Peau Va Te Plaire, qui parle d’une prostituée, ou La Chute et Les Cicatrices collaient bien aux personnages.

    LF : Pour finir, un questionnaire ‘Fourre-Tout’… Ton idole ?

    JDA : J’ai pas d’idole. J’admire beaucoup de gens bien sûr, surtout les gens qui sont raccord avec leur œuvre. J’ai plus de mal avec ceux qui se donnent des postures, et qui au fond ne sont pas la personne qu’ils nous montrent. Ou ceux qui sont là pour engendrer du fric sous couvert de l’art… J’ai envie de laisser quelque chose de valable, de respectable. Un jour j’ai entendu dire « Qui se souvient de l’homme qui était le plus riche de Vienne à l’époque de Mozart ? Personne. Mais tout le monde se souvient de Mozart ». Je ne prétends pas être Mozart bien sûr ! Mais c’est l’idée.

    LF : Ta couleur préférée ?

    JDA : Heu… Allez, le noir.

    LF : Ton paradis ?

    JDA : La tranquillité (Je souris, il rigole)… Non c’est vrai, des fois j’ai envie de partir, de m’isoler, juste qu’on me foute la paix ! Un jour d’ailleurs je disparaîtrai, peut-être… En emmenant mes proches bien sûr, je me barrerai sans prévenir et sans dire où je vais !

    LF : Ton enfer ?

    JDA : « L’enfer c’est les autres ». C’est tout à fait ça. Mon enfer c’est l’autre, les hommes, ce qu’ils sont en train de devenir. Je ne parle même pas des guerres, au-delà de ça, c’est tous les jours dans le quotidien. Se choper pour rien, pour un refus de priorité ou un regard appuyé, genre c’est moi qui ait la plus grosse, quoi. Ca me sidère.

    LF : Blonde ou brune ?

    JDA : Les deux ! J’ai pas de préférence. Heu… On parle bien des femmes ?!

    LF : Je laisse ça à l’appréciation de l’interviewé !

    JDA : De toute façon, c’est pareil pour la bière… Pas pour les clopes en revanche, je ne fume pas mais si je fumais ce seraient des blondes…

    LF : La première chose que tu fais le matin en te levant ?

    JDA : Je râle.

    LF : Oh, c’est pas bien ça…

    JDA : Plein de trucs à faire, trop, tout le temps, alors je râle !

    LF : Ta maison brûle, tu sauves un objet. Lequel ?

    JDA : Un objet ? Probablement une de mes guitares.

    LF : Le mot de la fin ?

    JDA : « Faut que j’y aille, je suis à la bourre » !!  Après je vais pas être bien demain matin et je vais râler encore plus fort…

    On rigole, on se dit au revoir et à demain pour Dead Boys, il file dans la nuit parisienne et quand je quitte le bar à mon tour la serveuse me dit que mon café est déjà réglé, quel gentleman ce Joseph…

     

     


    votre commentaire
  • Des semaines qu’on a pas vu un bout de ciel bleu, un morceau de rayon de soleil, un semblant d’éclaircie. Nina ne s’en est pas vraiment rendu compte, à vrai dire elle est très peu sortie ces derniers temps. Son esprit est ailleurs. Elle vient de finir ses toiles, des jours qu’elle peint sans s’arrêter, des jours qu’elle ne pense qu’à Simon. Son visage est partout. Ses pinceaux l’ont kidnappé. Elle qui était si réticente à l'idée de retomber amoureuse, la revoilà le cœur battant et les papillons dans le ventre. Alors la pluie, elle n’en pense rien. Elle s’en fout.

    Quand il arrive au rendez vous elle l’attend à côté du parc, abritée sous un porche. Elle est drôle. Elle est belle. Elle rayonne. Il se dit qu’il pourrait ne plus se passer d’elle, si seulement elle voulait bien de lui. La pluie repart de plus belle et le vent se lève aussi, sale temps pour un rendez-vous amoureux. Il lui attrape la main et ils partent en courant, dévalant la rue jusqu’au métro, et déboulent trempés sur le quai en pouffant comme des gamins. Elle a froid, elle commence à grelotter. Simon la prend dans ses bras pour tenter de la réchauffer. Parfois, le mauvais temps rapproche les corps.

    Une fois chez lui ils se sèchent tant bien que mal, les cheveux trempés de Nina gouttent sur le sol et la barbe de Simon scintille comme la surface agitée d’un lac en plein soleil. Elle s’approche et lui caresse la joue de sa main, faisant disparaître sous ses doigts les diamants laissés par les gouttes d’eau. Elle plonge dans ses yeux gris, ils ont la couleur du temps, elle repense un instant à la pluie dehors et se sent bien, au chaud, ici, avec lui. Elle se blottit contre lui et enfouit ses mains glacées sous son pull.

    « Simon, j’ai tellement besoin de toi »

    La phrase que Nina lui chuchote à l’oreille le fait chavirer, il sourit malgré lui et la serre plus fort encore. Ils basculent sur le lit et leurs corps se trouvent enfin, ignorant l’orage tonitruant qui fait trembler les vitres.

    Pendant la nuit, profitant d’une accalmie, Simon sort sur la terrasse pour fumer une cigarette. Assis sur le muret, il observe Nina dormir à travers la fenêtre mouchetée quand il reçoit une première goutte. Il se lève et tend son visage vers le ciel. L’averse s’intensifie et il reste là, planté, les bras en croix, un sourire béat sur son visage, absorbant toute l’énergie du déluge qui s’abat sur la Terre. Il ne s’est jamais senti aussi vivant.

     

    *Cette histoire est une modeste première participation à un jeu d'écriture initié sur la page Facebook du blog de Miss Thé Rieuse. Le thème était la pluie, l'histoire devait être gaie. Vous retrouvez les autres participants sur leurs blogs

    Allez-y, c'est permis et même chaudement recommandé ! Un simple clic sur leur prénom et vous y êtes : chez Fifi,  Emilie,  Jay,  Blandine,  Greg, Venise, Isabelle ...  Merci à tous !*

     

     

     

     


    2 commentaires
  •           Nicolas est un petit garçon. Un petit garçon surdoué, impressionné et impressionnable. Un petit garçon qui admire son père, ce génie, ce héros.  

      

    Nicolas est un adolescent. Un adolescent curieux, cultivé, rebelle. Qui tente de combattre l’héritage familial, essayant de se construire en absorbant tout ce qui passe à sa portée, ne se sentant vivant que dans l’excès.   

      

    Nicolas est un homme. Un homme fragile, fragilisé, fragilisant, qui porte le  fameux talent de son père sur ses épaules, ce lourd fardeau si déséquilibrant.  

    Un homme qui porte un nom, qu’il aurait été inutile de changer tant ses gènes en sont imprégnées. Imprégnées au point qu’il en crèverait. Overdose de génie créatif.   

      

    Nicolas se meurt, étouffé par ses démons et étranglé par les vipères médiatiques. Il tremble de n’être à la hauteur, frémit à l’idée qu’on pense qu’il ne l’est pas. Si sûr de lui quand il écrit, si troublé quand il est décrié. Le petit garçon, l’adolescent et l’homme se livrent en lui un combat sans merci, avec comme armes ses mots cinglants, ceux qui démontent les faibles et ébranlent  les robustes. Avec comme bouclier cette générosité propre aux gens entiers, et cet ego surdimensionné propre à… Lui-même, en fait.

    Ses fameux mots, pris trop souvent juste pour ce qu’ils sont, sans que beaucoup ne voient ce qu’il a voulu en faire : des mots d’esprit.

     

    Nicolas est drôle, de cette forme d’humour qui attaque l’autre sans sommation, qui percute froidement ceux qu’il aime un peu moins, qui se cache derrière une arrogance à la limite du tolérable. Qui finalement lui forge l’armure qui le rend prêt à affronter ce monde sans pitié, ce monde où les fils de n’ont pas toujours le droit d’avoir un prénom.

     

    Nicolas Bedos est ce qu’il est, avec son talent et ses failles, son héritage et son génie propre.

     

    Si l’homme est un grand enfant, Nicolas est un éternel petit garçon, attendrissant et capricieux. 

     

     


    votre commentaire
  • Quand ils te touchent tu frémis

    Ils te regardent et tu souris

    Si semblables que tu ne sais

    Lequel des deux tu choisirais

     

    Les bras de l’un viennent cajoler

    Ta peau d’enfant si tourmentée

    Les bras de l’autre viennent bousculer

    Ta peau de femme révélée

     

    Tu as promis, tu as juré

    Qu’à vie tu lui appartenais

    Pendant que tu donnes de toi

    A l’autre qu’il ne connaît pas

     

    A présent qu’il est dans ta vie

    Que ton cœur bat pour lui aussi

    Ils se partagent même ton lit

    Et toi toujours tu fais comme si

     

    Comme si partir ne laissait pas

    Un goût amer à chaque fois

    Chaque fois que ses yeux sur toi

    Posent des mots qu’il ne dit pas

     

    Tu as promis, tu as juré

    Qu’à vie tu lui appartenais

    Pendant que tu donnes de toi

    A l’autre qu’il ne connaît pas

     

    Tu te partages, qu’ils te pardonnent

    Tu leur rends bien ce qu’ils te donnent

    Leurs corps humides abandonnés

    Frissonnent encore de tes baisers

     

    Tu sais bien tu n’auras jamais

    La place pour deux hommes à aimer

    La place pour deux cœurs à briser

    Dont tu n’pourras panser les plaies

     

    Tu as promis, tu as juré

    Qu’à vie tu lui appartenais

    Pendant que tu donnes de toi

    A l’autre qu’il ne connaît pas

     

     


    votre commentaire
  • - Joseph D'Anvers - Paris -

       - Maison De La Poésie -    

     

    Dead Boys in Paris (Tonight's The Night)

     

     

    Un mois après Manosque, les Dead Boys sont de retour. Dans la capitale pour la deuxième fois. Ils ne viennent à Paris que pour célébrer quelque chose, on dirait, d’abord la fête de la musique et maintenant Halloween. Bande de fêtards… Joseph les prépare depuis quelques jours, se prépare surtout, ce soir il range la béquille au placard et tente le lâcher prise sur deux jambes. Il a confiance en son tendon.

    La veille il me lâche quelques infos, m’explique un peu comment tout cela s’est monté, le choix des textes et de ses morceaux, me rend impatiente de découvrir la représentation avec un autre regard. Il me dit aussi que plein de gens doivent venir, du genre qui pourraient influencer la montée en puissance du spectacle… Il ne me dit pas qu’il a le trac, mais à sa place je n’en mènerais pas large.

    En cette soirée particulière, dans une ville qui ne dort jamais et veille de férié oblige, les rues sont inondées de gens et je croise des spécimens aux déguisements parfois plus qu’approximatifs. Maquillages d’amateurs et perruques usées d’avoir trop traîné dans ce genre de soirées… Je laisse les zombies et autres vampires s’amuser entre eux et pénètre dans le quartier de l’Horloge pour rejoindre le Passage Molière. Direction la Maison de la Poésie. Le lieu est atypique, délicieux, feutré. L’âme de Molière vient chuchoter à l’oreille de quiconque entre à l’intérieur. Les vieux canapés en cuir côtoient les chaises Louis XV pour accueillir le public pressé d’entrer.

    20h00. Les portes s’ouvrent sur le décor que je découvre enfin en vrai, la salle de Manosque étant trop petite la mise en scène en avait été réduite. Je ne connaissais la toile de fond du spectacle qu’en photos. Dépaysement. On est loin de Molière… On se rapproche des US. Du béton. La scène est encerclée de grands panneaux de papier froissé, miroirs des vies abîmées que portent en eux les Dead Boys. Joseph entre. Fébrile, il attrape sa guitare et commence l’histoire. Sur ses deux jambes, cette fois, et ça change pas mal de choses. Il ne combat plus le récit. Il le porte. Il porte chaque personnage à bout de bras, les faisant renaître à la vie, leur insufflant l’énergie nécessaire pour continuer de lutter avec leur destin. Ils crient à travers sa guitare. Il les raconte avec ses cordes. Ce soir particulièrement les chansons sont intenses, liées plus profondément encore aux mots de Richard Lange. Joseph donne l’impression que les Dead Boys ne le quitteront jamais, forcés de vivre en lui pour toujours. Mais s’ils étaient en lui depuis toujours ?

    La cohésion entre les textes et les chansons n’efface pas pour autant sa fébrilité. Joseph porte ce spectacle comme il porte les personnages, à bout de bras, et nous l’offre avec une sincérité et une générosité émouvantes. Le rockeur a beau prendre souvent le dessus ce soir, l’émotion est palpable et l’envie de bien faire transpire, il y a mis tout son cœur… Le public absorbe cette émotion et cette générosité sans ciller, le spectacle se termine et les applaudissements pleuvent. Il remercie timidement, n’oublie pas le staff son et lumière, si importants bien sûr, et nous quitte. Pour revenir dire un dernier au revoir, sous la pression des spectateurs qui ne cessent d’applaudir.

    Fin de l’histoire. Ce soir les Dead Boys ont fêté Halloween à leur manière, en se livrant corps et âme au public parisien.

     

    Ma parenthèse D’Anvers se referme sur cette soirée, quelques mots pour le féliciter, se dire au revoir et espérer que les Dead Boys viendront visiter d’autres villes, plein, longtemps…


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires