• 4-Simon : Il ne va pas avoir la force

    Au fond de lui il n’est pas vraiment sûr d’être là pour les bonnes raisons. Il l’observe depuis un moment et n’a qu’une envie, celle d’aller coller son nez dans ses cheveux. Il la veut. Au-delà de la simple excitation sexuelle. Il la connait à peine et  jurerait qu’il en est amoureux fou. Il est à deux doigts de la prendre dans ses bras et de la câliner comme une enfant, là, en plein milieu du resto.

    Nina s’arrête de parler et le fixe un instant avant de lui demander si ça va.

    « Oui. Pourquoi ?

    -Je sais pas, t'es bizarre.

    -Non, je… Non. »

    Et puis merde. Qu’est-ce qu’il a à perdre, à la fin ?

    « J’ai pas très envie qu’on reste là, en fait. Tu veux bien qu’on aille chez moi ?

    -Heu… Je sais pas, je… Tu as des trucs à me faire écouter ?

    -Je ne pensais pas vraiment à ça, à vrai dire. »

    Ils se fixent un instant sans rien dire. Il n’y a même pas de malaise, juste un long silence.

    Simon se lève, attrape Nina par la main, ne lui laisse pas le temps de protester. Une fois dans la voiture il ne tient plus. Il la prend dans ses bras et la serre contre lui. Elle est à lui pour toujours, pour deux secondes, un peu. Ils restent un moment comme ça, elle ne bouge pas. Mais il sent bien qu’elle n’est pas absolument d’accord avec son geste.

    « Allez, je te ramène, c’est mieux comme ça.

    -Ecoute, je suis touchée, flattée même que tu t’intéresses à moi sous cet angle, mais…

    -Mais c’est pas réciproque, j’ai bien compris.                                    

    -On va dire ça comme ça. C’est un peu plus compliqué en réalité, je… J’ai pas envie de t’expliquer. Je pensais qu’on allait parler boulot, enfin musique, quoi. Tu veux vraiment bosser avec moi, ou tu m’as monté un bateau juste pour me sauter ?! »

    Elle n’a pas sa langue dans sa poche. Il voudrait qu’elle disparaisse, ne plus y penser, et en même temps la couvrir de fleurs et l’asseoir sur un trône doré. Sans déconner.

    « Non, je suis pas comme ça, vraiment. Je crois que le mieux c’est d’oublier ce malentendu, et de repartir à zéro. J’ai deux ou trois morceaux que j’aimerais vraiment te faire écouter, oui, si ça te dit toujours on y va. »

    Nina regarde droit devant elle, il la sent hésitante mais elle acquiesce d’un hochement de tête, sans rien dire. Il démarre et  trace en direction de chez lui. Elle ne décroche pas un mot de tout le trajet.

    *

    « Fais pas attention au bordel…

    -Oh, ça va, c’est pas rangé mais au moins c’est propre ! 

    -Ca a l’air, comme ça, en surface, mais regarde pas les meubles de trop près s'il te plait… »

    Son sourire. Qu’est-ce qu’elle est jolie, putain.

    «Tiens, assieds-toi, on va se boire un truc avant  manger, je dois avoir des pâtes. A moins que tu préfères qu’on commande des pizzas ?

    -Non, des pâtes ça m’ira très bien. Je peux t’aider, tu veux que je fasse une sauce ? »

    Il ne va pas avoir la force.

    Il a envie de l’épouser et d’acheter une maison de campagne avec un chien et des lapins.

    Il a envie de fermer la porte à clé et de rester là avec elle jusqu’à quatre-vingt douze ans.

    Il a envie de tout sauf de la laisser partir.

    « On va se débrouiller, t'inquiètes. Qu’est-ce que tu veux boire ?

    -Je sais pas, tu as de la vodka ? Avec un jus ? »

    Simon leur sert deux vodkas pamplemousse et allume son ordinateur.

    « Bon, je te préviens, tu vas être surprise. Les nouveaux morceaux sont assez différents des précédents albums. Je ne sais pas si c’est l’âge ou la tendance actuelle, mais je suis parti dans les sons électros, genre années quatre-vingt… »

    Il envoie un premier extrait, presque tremblant, et l’observe. Elle s’allume une cigarette en balançant la tête au rythme de la musique, il reste hypnotisé par la trace de son rouge à lèvre sur le filtre.

    Le morceau se termine, Nina écrase sa clope en prenant une grande respiration avant de parler. Simon est suspendu à ses lèvres.

    « J’aime beaucoup. C’est différent, en effet. C’est assez proche de ce que j’aimerais faire, en tout cas. J’espère juste que je serai à la hauteur…

    -T’inquiète pas pour ça, j’ai confiance. 

    -J’ai aussi pas mal de boulot en ce moment. J’ai une expo la semaine prochaine à Moscou, il me manque  encore quelques tableaux. Je suis vraiment dans le jus.

    -Tu peins ou tu organise ?

    -Je peins. En fait à la base je suis peintre, la musique c’est venu après…

    -J’ai le droit de voir ce que tu fais, ou il faudra que j’aille à Moscou ?! »

    Le visage de Nina s’éclaire et un sourire à tout casser s’étale sur son visage. Il veut l’épouser.

    «  Bien sûr que je peux te montrer ! Ca me touche, d’ailleurs, que tu t’intéresses à ce que je fais.

    -J’imagine que je suis pas le seul, si tu fais des expos jusqu’en Russie…

    -C’est un coup de bol, en fait. Une opportunité extraordinaire. J’espère vraiment que ça va marcher, j’ai besoin que ma vie bouge un peu. »

    Son regard change légèrement, sa voix se brise furtivement. Elle semble accablée l’espace d’un instant. Il plonge dans ses yeux en lui tendant le briquet pour allumer une nouvelle cigarette, se demande ce que cache cette défaillance. Nina le remercie d’un sourire un peu forcé, et change de sujet en revenant sur les morceaux qu’ils viennent d’écouter.  

     

    La soirée se termine simplement, il se fait violence pour paraître calme et détendu. Il la raccompagne chez elle et la quitte rapidement.

     

    A suivre...

     

     

    L'intégralité de l'histoire ici : Entre Mes Mains

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