• On a tous nos bagages, dans la vie. Nos valises, nos casseroles, nos fardeaux. Parfois on se dit que si un professionnel mettait un peu son nez dedans ça ferait du bien, un genre de ménage, on ouvre grand les fenêtres, on aère et on respire. Et puis la vie continue, tout le monde a ses problèmes, on avance quand même avec et c’est pas si grave. Jusqu’au jour où ta vie de famille vole en éclats et que tu toques à une porte pour y trouver de l’aide. Ce jour-là le psy t’isole, te regarde droit dans les yeux et te pose LA question sur ce qui a peut-être déterminé toute ta vie :

    -Qui était-ce ?

    -Hein ? Qui ça ?

    -Celui qui a abusé de vous.

    Alors soudain (parce qu’évidemment ça tu ne l’avais jamais dit à personne) des larmes vieilles de plus de trente ans sortent sans prévenir. Alors que non, c’était pas si grave, il n’a même jamais ouvert son pantalon l’épicier, il se frottait juste un peu comme ça, c’est pas si grave…

    Si, c’est grave. J’étais une enfant. Il n’avait pas le droit et je le savais. IL. N’AVAIT. PAS. LE DROIT.

    Du coup tu réfléchis. Tu refais ta vie, tu te demandes ce qui serait différent ou non si tu n’avais pas vécu –pardon, subi ça. Est-ce que ta vie serait différente. Est-ce que TU serais différente. Est-ce que tu serais malgré tout devenue celle que tu es, est-ce que tu aurais quand même fait ce que tu as fait. Est-ce que. Evidemment, depuis, tu creuses. Une heure une fois par semaine. Comme des milliers de gens. Avec cette impatience d’en apprendre plus, cette boulimie d’informations qui chaque fois  te bouleversent et te vrillent un peu plus. Avec le quotidien à vivre, à affronter. Avec chaque fois le sentiment d’être de moins en moins toi, le sentiment de sortir de ton âme, le sentiment de mourir à petit feu. Une petite mort, comme une injection d’héroïne, le sourire de bien être alors que le poison s’infiltre. Chaque jour qui passe laissant une trace, comme la seringue laisse une marque de piqûre. Chaque larme creusant son sillon, salé, piquant les plaies qui en résultent. Chaque mot cognant un peu plus fort, laissant des bleus invisibles. Et chaque envie d’avancer, coupée dans son élan par l’envie de mourir qui balance des croche-pieds à la pelle.

    Chaque seconde devenant l'attente interminable de savoir ce que tu vas devenir si celle que tu as toujours été n’est pas toi.

     

     

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  • « Salut, ça va ? T'as passé un bon week-end ? »

    Que répondre après ça ? Que penser d’un « oui », d’un « non » ? Dire oui si c’est non, parce que nos petits tracas font bien pâle figure face aux évènements ? Dire non même si c’est oui pour montrer qu’on compatit ? Que dire après ça ?

    Comment vivre avec sa vie après ça ? Comment ne pas culpabiliser qu’un tel évènement n’arrive pas à balayer nos soucis quotidiens ? Comment ne pas avoir envie d’en finir parce que déjà que sa propre vie est un beau merdier, si en plus le monde en face ne laisse que peu d’espoir de sourire alors à quoi bon…

    Que penser de l’agacement ressenti à propos des discussions sur le sujet autour de la machine à café ? Comment ne pas culpabiliser de penser qu’ils devraient tous fermer leur gueule au lieu de dire des conneries ? Comment ne pas se retenir de les envoyer chier alors que c’est comme ça que beaucoup expient leurs angoissent, leurs peurs, leur chagrin…

    Comment vivre après ça, en  plein Marseille notamment, où l’on croise parfois presque plus de gens d’origine maghrébine qu’au Maghreb (ironie) ? Comment ne pas avoir peur, comment éviter l’amalgame, comment assumer cette peur sans qu’elle soit interprétée justement comme un amalgame et ne blesse des innocents ?

    Comment ne pas froncer les sourcils quand une colonie de sirènes, police ou pompiers, retentit soudain dehors ? Comment s’empêcher d’aller voir à la fenêtre, comment éviter la recherche Google dans l’heure qui suit, comment ne pas trembler même à 850 kms des lieux visés ?

     

    Comment. Pourquoi.  

    Parce que les enfants, parce que les larmes, parce que les bougies. Parce que les gens, ensemble, envers et contre tout. Parce que malgré le désespoir, la fatigue et le ras-le-bol, il ne faut pas les laisser gagner. Parce que ce monde est pourri, mais que ce n’est pas une raison. Parce que tant qu’il y aura une âme, même une seule sur cette terre, qui ne comprend pas ces actes, il faudra rester debout. Sur ses deux jambes, ses béquilles, ses talons de douze, ses prothèses, appuyé sur l’épaule de l’autre à côté, mais rester debout. La tête haute. La tête haute et le regard franc, la conscience de la mort dans un coin du cerveau, le cœur gonflé de désespoir enragé. « Soldats » éphémères ( <- c’est l’espoir qui m’a dit d’employer ce mot), notre vie devient un champ de bataille. Notre quotidien un combat de fierté, la fraternité, la solidarité et la tolérance nos armes éternelles.

    «Au nom de quoi ? » a écrit quelqu’un sur une vitrine criblée de balles. On ne saura jamais au nom de quoi on peut tuer des innocents, mais on saura toujours au nom de quoi on ne le fait pas.

     

      

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