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Talk To Me (Interviews)
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Par Cinnamon Fraise le 19 Décembre 2013 à 08:14
Annecy, 16 novembre 2013
C’est après ses balances, un café à la main (pas étonnant ! Cf l’avant-avant dernière question) qu’Arman Méliès vient me retrouver pour son interview. La Maison Tellier attaquant les siennes, on se cherche un coin tranquille et on fini par aller s’accouder au bar, vide à cette heure-ci, dans le couloir qui jouxte la salle. Ambiance zinguée.
La Fraise : On te compare souvent à d’autres artistes de la scène française comme Florent Marchet ou Alex Beaupain, mais tu as un fond beaucoup plus « rock » qu’eux. Comment tu te situes par rapport à ça ?
Arman Méliès : En effet, oui, j’ai l’impression que par rapport à la musique qu’ils font notre production est assez similaire. Il y a vraiment des points communs entre ce qu’on peut faire les uns et les autres. Mais de ce que j’entends de leur musique, j’ai aussi l’impression qu’ils sont un peu plus orientés vers la chanson française que je ne le suis. Après -même si je les connais un peu tous les deux- je ne sais pas exactement quelle est leur histoire, moi effectivement je viens plus d’un milieu anglo-saxon. Pas forcément uniquement « rock », même si c’est le hard-core qui m’a donné envie de faire de la guitare ! Mais ensuite j’ai découvert d’autres choses, le folk, la new-wave, ces choses-là, et je suis venu assez tardivement et de façon très sporadique sur la chanson française. Il y a quelques artistes qui m’ont vraiment parlé et qui m’ont marqué, mais au final je ressens très peu d’influences liées à l’univers de la « chanson française ».
LF : Encore plus sur cet album, d’ailleurs. Qui est plus… noir que les précédents, jusque dans la pochette ! Il est aussi plus « cinématographique », j’ai l’impression. Tu parles souvent de Giorgio Moroder, t’a-t-il plus influencé encore sur ce disque ?
A.M. : Il m’a influencé parmi beaucoup d’autres, lui un peu plus sans doute parce que j’avais envie de travailler un matériau essentiellement synthétique. Et si on pense musique de film, je suis en effet plus proche de Moroder que de Morricone, John Barry ou Nino Rota, même s’ils ont été un peu présents auparavant sur d’autres de mes disques. L’écriture en fait vient de manière assez spontanée, c’est pas miraculeux mais il y a vraiment quelque chose de naturel. Et dans un second temps, je me demande comment je vais mettre en forme ces idées un peu brouillonnes. Et là du coup, en étant attiré par un univers plutôt synthétique, ça me ramène vers ces influences la comme à tout ce qui est lié au Krautrock, la musique des 70’s produite en Allemagne… Kraftwerk, aussi, a été quelque chose d’évident pour moi. Mais très vite, même en sachant que j’avais ces idées en tête, je ne voulais pas faire un album « référencé », un album hommage à tel ou tel groupe. Je voulais vraiment essayer, autant que faire se peut, de donner vie à quelque chose qui soit actuel. Même si on peut y entendre certaines influences, parce que forcément je les subis un peu…
LF : Parce que Pompei II, quand même, me paraît être la suite logique de l’Histoire Sans Fin…
A.M. : Ah ? Oui, c’est vrai…
LF : Genre deuxième partie du générique, après la chanson tube !
A.M. : Oui, ben en fait c’était l’idée de base, le générique de film. Sans être pour autant un hommage à un compositeur. L’idée générale était de faire une sorte de BO, même si en termes de BO justement c’est un peu loupé… ! Par exemple, un groupe comme Boards Of Canada, juste quelques mois après la sortie de mon album, en a sorti un qui pour le coup est une vraie BO. Au début on entend même une sorte de jingle, comme si c’était celui du producteur, dans les vieux films des années soixante-dix… Tout se tient, et là on est vraiment dans un film de A à Z. Mon format chanson empêche d’être aussi fidèle à ça.
LF : Pourtant les BO de films sont de plus en plus faites comme ça… Une succession de chansons, ponctuée de quelques thèmes musicaux…
A.M. : Justement, c’est quelque chose que je déplore ! Pour moi c’est un non-sens… Sauf si la musique peut servir une scène de temps à autre, si c’est vraiment justifié. Mais le fait de prendre de plus en plus des morceaux de son Ipod qu’on aime bien et de « surligner » les scènes avec… Ca crée une sorte de chantage affectif, sur telle scène qui se veut un peu lacrymale ben on met un morceau triste de Radiohead, un couple qui se retrouve dans la nuit, qui est très très heureux et qui fait la fête, on va mettre du Arcad Fire… Faire une simple compilation de morceaux parce qu’ils sont séduisant ou parce que c’est le truc du moment me désole un peu. Je trouve ça très limité en termes de création, de ce que ça peut véhiculer comme sentiments.
LF : C’est l’atteinte facile, finalement.
A.M. : Oui c’est ça, ça aiguille beaucoup trop en fait…
LF : Tu as sorti Mes Chers Amis d’abord sur internet, avec un « certain » texte (Le discours de campagne de Nicolas Sarkozy, ndlr), et il s’est retrouvé en instrumental seulement sur le disque. Problème de droits, choix artistique, ou peur de l’accident ?!
A.M. : Non ! Non, on a jamais eu d’interdiction de droits. Le clip a été très regardé sur internet et on a pas eu de souci. On a jamais eu non plus d’autorisation formelle en même temps… Il y avait donc comme ça une sorte de flou juridique qui pouvait être tranquillisant, et je ne pense pas qu’on aurait eu des problèmes en utilisant le texte. C’est plutôt que l’album a été écrit longtemps avant de sortir, l’extrait avec le clip est lui-même sorti un an avant… Après coup ça me paraissait beaucoup moins opportun de le laisser tel quel. C’était sorti de son contexte sociopolitique, et j’avais l’impression que ça allait ancrer le disque dans un truc qui n’était pas totalement cohérent avec ce que je racontais. Même si ce n’est pas si éloigné que ça, il y a quelque chose d’un peu politique, si on lit entre les lignes de cet album. Mais je me suis dit que si je voulais qu’il vieillisse un peu mieux, il était tout aussi intéressant de laisser le moreau en instrumental, en forme de générique. On y revient…
LF : Quand tu as fait la première partie de Julien Doré à Marseille, tu as eu le « culot » de présenter Gran Volcano. Pourquoi ce choix ?
A.M. : En fait c’était un projet que j’avais en tête depuis assez longtemps, sur lequel je ne m’étais pas encore penché. Et c’est le programmateur du festival (Avec Le Temps) qui tenait absolument que je fasse la première partie de Julien, avec qui j’étais en tournée. J’étais pas du tout prêt à jouer de nouveaux morceaux, même s’ils étaient enregistrés je ne les avais pas travaillées pour la scène… Et puis l’idée de jouer ces nouveaux morceaux en solo m’excitait assez peu, jouer les anciens n’aurait pas vraiment eu de sens… Du coup j’ai vu là l’opportunité de donner vie à ce projet, je me suis attelé à finir l’écriture de ces morceaux, en ayant vraiment à l’idée le spectacle, c'est-à-dire quarante à quarante-cinq minute d’une seule plage musicale qui raconte quelque chose du début à la fin. Avec différents mouvements mais qui sont liés entre eux, où il n’y a aucune interruption, aucun blanc… Quelque chose de finalement très abstrait, très contemplatif et en même temps assez agressif, parce que les sons -même si le tout est assez « ambiant »- sont très saturés. Je voulais quelque chose d’un peu poétique, comment dire… Cajoleur, et en même temps abrasif, très contrasté au final. Du coup certaines personnes l’ont vécu de manière assez… Brutale ! Mais moi j’étais ravi de cette expérience, tout le monde était un petit peu décontenancé…
LF : Oui, en effet, décontenancé… Voire plus !
A.M. : Absolument, il y a des gens qui ont détesté même ! Je savais que c’était pas forcément le contexte idéal pour proposer ce genre de musique, mais j’en avais pris mon parti. Moi j’avais vraiment envie de faire ça, ça m’excitait dix fois plus que de faire n’importe quoi d’autre. Ca n’allait pas parler à, genre… La moitié de la salle, ce qui a effectivement été le cas ! Mais à l’inverse il y a des gens qui ont été très touchés, qui sont venus me voir à la fin du concert ou qui m’ont écrit pour me dire que c’était très bien. Du coup je suis très content d’avoir fait cette expérience ! J’espère pouvoir le refaire, je l’ai déjà fait d’ailleurs dans le cadre d’une expo, dans une galerie. C’était un peu plus adapté du coup, un peu différent. Je sais que je vais pas faire des tournées avec ce projet, mais j’aimerais bien le rejouer occasionnellement, avec des nouveau morceaux, et puis finir l’album pour 2014.
LF : On parlait de Julien Doré, dont tu es le guitariste donc, est-ce qu’à un moment tu as hésité à faire un choix entre les deux carrières ?
A.M. : Non, pas du tout. C’est vraiment complémentaire, à tous les niveaux. Ca m’apporte beaucoup de travailler avec lui, dans l’écriture ou sur scène, comme avec d’autres d’ailleurs. Pour l’écriture seulement, les autres. Julien est le seul avec qui je tourne en dehors de mes projets solo. Mais ce sont vraiment des choses complémentaires, c’est très plaisant de se retrouver « que » guitariste, de jouer dans le cadre d’un groupe qui est devenu une sorte de fraternité, il y a quelque chose de très fort entre nous. Il y a aussi un côté récréatif qui me permet d’oublier un peu mes projets et du coup de les envisager sous un autre angle. Quand je reviens dessus je ne les vois plus comme quelque chose d’aussi vital, je vois ça comme de la musique… Avant, mes projets étaient la seule chose à laquelle je consacrais du temps ! Alors travailler avec d’autres me permet de relativiser un peu, de retrouver cette spontanéité et juste le plaisir de faire de la musique… Un morceau qui s’avèrerait être un peu décevant au final, ben je le laisse de côté et je passe à autre chose, c’est avant tout un jeu en fait. Tout bêtement. Je pars faire quinze concerts avec Julien, j’écris avec telle ou telle personne, et je reviens sur le truc la tête froide… Mais du coup voilà, la question de choisir ne se pose pas ! Dans la mesure où en termes d’emploi du temps les choses sont possibles, il n’y a pas de choix à faire ! J’espère vraiment continuer longtemps…
LF : Sur ton album précédent tu as fait une reprise (Amoureux Solitaires de Lio, ndlr), la seule de ta discographie, pourquoi celle-ci ?
A.M. : En fait j’avais redécouvert le titre via un groupe électro avec lequel j’avais travaillé, Remote. Ils avaient collaboré avec quelqu’un (dont j’ai oublié le nom !) qui disait le texte de la chanson sur la musique. J’ai réalisé qu’on était passé complètement à côté des paroles à l’époque ! Remote en a fait une relecture électro très minimaliste et très froide, destinée à être assez élitiste pour le coup… Alors je me suis dit que ça pouvait être intéressant de retravailler ça en chanson, de garder l’idée de la « pop song » tout en essayant d’être plus fidèle au fond, à sa signification. J’ai essayé différentes choses, en m’éloignant assez vite du titre original, trop connoté petite pop song gentillette des années 80, justement. J’ai complètement réécrit la musique, et je trouvais que ça fonctionnait à merveille avec le texte et que le morceau était très cohérent avec le reste de l’album. Je voulais absolument qu’il soit dessus ! Après ça a été un peu compliqué pour autorisations, réussir à joindre les ayants droits d’Elie Medeiros et Jacno, les auteurs. On s’est vraiment battu, et jusqu’au dernier moment on ne savait pas s’ils seraient d’accord ou pas… Mais c’était important pour moi. Même si c’est pas moi qui l’ait écrit, je lui accordais autant d’importance qu’aux autres titres !
LF : Laissons un peu la musique de côté… Je suis très intriguée par toutes ces spirales que tu as sur le bras. Tu as une histoire particulière avec ça ?
A.M. : Ah ! C’est juste des petits dessins que je fais depuis très longtemps en fait… Des gribouillis, un peu comme Dubuffet, un jour il s’est mis à gribouiller et pendant toute une période il n’a fait plus que ça… Sauf que lui après en a fait des statues, des toiles immenses ! Pour ma part c’est une habitude que j’avais prise notamment en studio, au début. Griffonner des petites choses comme ça sur des bouts de papier. Puis c’est devenu quelque chose de... J’allais dire vital, c’est un bien grand mot… Mais j’avais besoin de le faire, j’adore dessiner, déjà gamin j’adorais ça. Même si à l’époque, ou même ado, je faisais des choses plus concrètes. Pendant un temps il y a eu une sorte de pause, et puis un jour ça a ressurgit sous cette forme là ! Et j’ai jamais vraiment cherché à comprendre d’où ça venait, ce que ça pouvait signifier… Parce que justement je trouve que c’est très bien de ne pas être totalement dans une démarche analytique. Je le suis tellement dans la musique ! Quand on travaille là-dedans au bout d’un moment on a l’oreille qui s’affûte, parce que c’est notre métier, on a tendance à tout détailler, à tout découper en fréquences, en harmonies, en tempo, toutes ces choses là… On perd un peu en spontanéité par moment ! Aussi bien dans l’écriture que dans l’écoute d’autres musiques… Donc il y a des domaines comme ça où je me suis dit qu’il fallait essayer -dans la mesure du possible- de ne pas chercher forcément à comprendre ! C’est valable pour d’autres choses aussi, le vin par exemple. J’apprécie de déguster un bon vin de temps en temps, et je me refuse à plonger dans les livres pour comprendre un peu plus ce qui se passe… Je ne veux pas que tout devienne analytique… J’ai tendance à être quelqu’un d’assez cérébral à la base, et du coup le monde se résumerait à un ensemble de colonnes de chiffres !! Alors il y a des spirales, des petits « zigouigouis », tout ça !
LF : Je te posais la question parce qu’un jour moi aussi j’ai commencé à faire des spirales, et depuis je n’arrête plus, j’en mets partout ! Je ne sais même pas pourquoi…
A.M. : Après on les retrouve aussi dans la nature, dans les œuvres d’art même primitives, c’est quelque chose qui a toujours un peu fasciné. Elles correspondent au nombre d’or, entre autres… Il y a quelque chose d’ancré dans notre ADN, un peu.
LF : Pour conclure, mon questionnaire « Fourre-Tout »… Ton idole ?
A.M. : Mon idole ? (Il me répond sans hésitation) Annette Messager.
LF : (Je pique un fard face à mon inculture) Qui est… ?
A.M. : (Sourire bienveillant) C’est une artiste, plasticienne, qui depuis trente ans fait des œuvres d’art très… Diverses. J’adore ce qu’elle fait, c’est quelqu’un qui me fascine, elle a l’air très intelligente. C’est vraiment quelqu’un avec qui j’aimerais boire un verre, discuter ne serait-ce que quelques minutes avec elle… Voilà, bon, une idole c’est un bien grand mot mais… Agnès Varda, aussi, j’aimerais vraiment passer une soirée avec elle à papoter et à boire du vin ! C’est quelqu’un que j’adore aussi…
LF : Si tu étais une femme ? Justement, une des deux ?!
A.M. : Ah ah ! Non, non… Qui je serais… Olympe de Gouges, la révolutionnaire. C’est un beau destin, une des premières femmes qui a porté haut et fort la voix du féminisme, même si ce n’était pas encore ça à l’époque… Elle s’est battue pour quelque chose qui me parait primordial, et d’ailleurs y’a encore du travail en termes d’égalité hommes-femmes…
LF : Oui, et c’est un débat qui me dépasse… Je ne comprends pas qu’on parle « d’égalité »… Au contraire, soyons différents ! Mais traités pareil…
A.M. : C’est ça, absolument ! On parle souvent de « droit à la différence », alors qu’il faudrait que ce soit le « droit à l’indifférence ». Il faudrait que ça ne pose de problèmes à personne ! Ca avance tout doucement… Malgré la mélancolie qui peut émaner de mes disques je suis plutôt quelqu’un de positif, et j’ai l’impression que tout doucement ça avance.
LF : Ton paradis ?
A.M. : Etre entouré des gens que j’aime, heu… Avec des instruments de musique à proximité !
LF : Ton enfer ?
A.M. : Mmm… Une administration quelconque, où j’attends pour avoir un papier inutile et en même temps… Essentiel…
LF : Blondes ou brunes ?
A.M. : Alors là, aucune différence ! Pour le coup ça fait partie des débats que je ne comprends pas ! On peut d’ailleurs retourner la situation en « blonds ou bruns »… Les types qui disent qu’ils sont attirés plus par l’une ou par l’autre, j’ai un peu du mal. Je ne comprends pas qu’un puisse être à ce point archétypal, c’est un truc qui me dépasse… On est séduit par une personne parce qu’on la trouve belle, intelligente, ou pour dix mille autres raisons, mais pas parce qu’elle est brune ou blonde…
LF : La première chose que tu fais le matin en te levant ?
A.M. : Je me fais un café, tout bêtement ! Je suis accro au café ! Je dis « tout bêtement », d’ailleurs, mais c’est vraiment important pour moi ! J’adore ça et en plus j’en ai besoin… Si j’ai pas de café je suis un légume ! Donc c’est vraiment la première chose que je fais le matin.
LF : Ta maison brûle, tu sauves un seul objet. Lequel ?
A.M. : Tout bêtement je crois que j’emmènerais mon ordinateur… C’est pas très sexy, hein… (On se marre, il n’a pas tort…) Non, je pourrais dire telle ou telle guitare fétiche…
LF : Ce que m’a répondu Joseph D’Anvers !
A.M. : Oui, mais en fait non, si je suis sincère c’est l’ordinateur…
LF : Parce que tout est dedans !
A.M. : Absolument ! L’ordinateur.
LF : Le mot de la fin ?
A.M. : …Merci !
LF : Mais merci à toi de m’avoir consacré du temps !
Il retourne à ses instruments, et je reprends ma place dans la salle pour voir la fin des balances de La Maison Tellier, en attendant l’interview de leur chanteur Helmut.
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Par Cinnamon Fraise le 19 Décembre 2013 à 08:14
Annecy, 16 novembre 2013
A peine remise de mon délicieux entretien avec Arman Méliès, voilà qu’Helmut Tellier abandonne ses acolytes un instant afin de se soumettre lui aussi à mes questions. Les balances n’étant pas finies, nous choisissons aussi d’aller nous accouder au bar du couloir, qui même vide sent la bière. Rock’n Roll.
La Fraise : J’ai appris aujourd’hui que vous jouiez cet après-midi devant des enfants, comment ça s’est passé ?
Helmut Tellier : Ben plutôt bien pour nous ! Les mômes avaient l’air content aussi…
LF : J’allais dire « Moins bien pour eux » ?!
H.T. : Ha ha ! Oui, voilà, c’est toute la question… C’était une première pour nous, on l’avait jamais fait. Il nous arrive d’aller dans des classes, voir des primaires ou de collégiens, de jouer quelques chansons et de parler de la musique et tout… Mais un vrai concert non, et moi j’aime bien l’idée ! Plutôt que de zoner l’après-midi, fumer des clopes en attendant les balances, ben ça fait un petit tour de chauffe ! Les mômes avaient l’air de bien accrocher, alors que franchement c’est pas des chansons pour eux à la base… On a aussi joué des plus anciennes, c’était une bonne première, vraiment ! Les gens de la salle avaient l’air content, donc on essaiera de refaire ça !
LF : C’est bien ça forme les jeunes oreilles…
H.T. : C’est ce qu’il faut, en fait ! Si t’es malin et que tu réfléchis deux minutes, en habituant les mômes à venir dans les salles de concert quand ils sont petits, ben ils y viendront après, quand ils seront plus grands.
LF : Oui, je trouve d’ailleurs qu’il devrait y avoir des tarifs enfant dans les concerts… Ca coûterait parfois bien moins cher que la baby-sitter, avec l’éducation musicale en prime !
H.T. : Tout à fait ! Bon après, faut pas que les petits se couchent trop tard non plus…
LF : Oh, le week-end ils ont le droit, non ?
H.T. : Voilà ! Le week-end c’est très bien !
LF : Parle-moi un peu de l’histoire du groupe. Le nom, déjà, une évidence par rapport à votre patronyme ?
H.T. : Non, ça a plutôt été l’inverse en fait ! Le patronyme est venu après le nom du groupe.
LF : Ah donc Tellier n’est pas votre vrai nom… Je me disais aussi ! Mais alors vous n’êtes pas frères non plus ?!
Il se marre, le subterfuge est démasqué… !
H.T. : Non… Ben non, c’aurait été beaucoup de coïncidences heureuses tout de même ! On est des frères de scène, des frères de musique, de tout ce que tu veux mais pas de sang ! Des frères d’armes, voilà. Quant au nom, il nous semblait bien, il sort un peu du lot. C’est à double tranchant, y’a des gens qui pensent du coup qu’on est un groupe qui fait de la chanson réaliste, un peu à la Têtes Raides, Les Ogres De Barback, ce qui n’est pas du tout le cas ! Le bouquin de Maupassant traînait à côté de mon lit au moment où il a fallu trouver un nom, on commençait à avoir quelques « vrais » concerts dans des bars à Rouen (où Raoul habitait à l’époque) et il fallait qu’on se trouve un nom…. Et le côté « petite entreprise familiale », un peu artisanal nous plaisait bien. En plus ce clin d’œil au fait que ce soit un bordel, alors qu’on est cinq gros barbus tu vois… ! Tout ça mis ensemble ça nous amusait, et on s’est rendu compte en plus que les gens avaient l’impression de connaitre le groupe alors qu’on avait encore rien sorti. Et puis ensuite on est partis sur l’idée des cinq (faux) frères un peu cartoon, façon Dalton, pour personnifier tout ça…
LF : Cet album, bien qu’ayant à peu près les mêmes influences que les précédents, me semble plus aboutit… Vous l’avez travaillé différemment des autres ?
H.T. : En fait les autres ont souvent été faits dans l’urgence, un peu. Pas parce qu’on était forcés ! Mais parce qu’on travaillait comme ça. Du coup on se rendait compte une fois finis que certains morceaux étaient un peu en dessous, voire ne méritaient pas d’être sur le disque… Et puis en terme de son on était assez limités, pour des raisons de contrats on bossait avec un mec qui n’avait clairement pas le niveau aux manettes… Ca nous a fait perdre du temps, après c’est pas grave hein, c’est fait… Mais sur le dernier on a vu le coup venir, on savait avec qui on voulait pas bosser ! Ensuite on a trouvé avec qui on voulait bosser, à savoir Antoine Gaillet, un réalisateur qui bosse sur des grosses prods d’habitude mais là qui a accepté de bosser avec nous… On est devenu potes par des amis communs, alors du coup…
LF : Ca aide bien !
H.T. : Oui ! Et lui, il a apporté cette touche un peu rock, un son qui pour la première fois -à mon avis- rend pleinement justice aux chansons… Parce qu’on a eu du temps, aussi, on s’est fait virer de notre maison de disques au printemps dernier, et on accumulait les chansons sans but précis pour le coup… Peut-être sortir le truc nous même en autoprod, faire ce qu’on pouvait un peu de bric et de broc, et puis les choses se sont tassées et rangées comme il faut dans les bonnes cases ! On a eu le budget pour aller dans un beau studio, les prises de son super et le mix d’Antoine parfait. On a eu en tout trois ans pour travailler les compos, aussi, ça aide à ce que ce soit plus aboutit… On s’est donné un ton général, une espèce de cahier des charges, avec quelques influences qui convenaient à tout le monde et qui permettaient d’avoir une direction. C’est un peu le problème des trois premiers en fait, il n’y avait pas vraiment de direction. On balançait les chansons comme ça, on faisait comme ça venait.
LF : Le style sur l’ensemble des albums reste assez homogène, tout de même. Je ne vous connaissais pas à la sortie de Beauté Pour Tous, j’ai donc découvert tous vos albums d’un coup et je trouve qu’ils sont assez cohérents entre eux. L’évolution est marquée, mais dans la cohérence.
H.T. : Ah ben c’est cool si ça s’entend ! On voulait ça, effectivement, ne pas s’éloigner trop du reste. On ne voulait pas déboussoler ceux qui ont aimé ce qu’on a fait avant, ou même nous déboussoler nous ! Pas question de changer pour changer, on souhaitait garder une certaine tonalité. Du coup on a fait le tri, vu qu’on avait plein de morceaux, de quoi faire un double album même ! Mais on s’est mis cette contrainte de rester sur un simple pour nous obliger à ne garder que le meilleur…
LF : Alors justement, vous avez beaucoup d’influences, comment vous arrivez à les canalisez ?
H.T. : Ben on les canalise pas ! Pas forcément, en tout cas. Un des maitres mots de cet album a d’abord été de faire dégonfler les arrangements. Sur les albums précédents on chargeait trop, on avait tendance à vouloir remplir tous les vides ! Ca n’a pas été facile pour tout le monde bien sûr… Pas facile quand tu sais que tu as la possibilité de mettre cinq pistes de guitares ou de trompette par exemple, de décider de n’en garder qu’une. Pour avoir un côté plus brut, essayer d’être plus proche en live de ce qu’il y a sur le disque. Et puis pour les influences… Ca se réfléchit pas en termes de canalisation, je crois. Ca vient de ce qu’on amène un peu tous, on voit ensuite si ça marche. Chacun ramène ses influences, même si ça ne s’entend pas directement, et le tout se lie… On donne es indications pour le mixage, là aussi on a nos influences. J’ai parlé de John Grant, Other Lives… On les entendra pas forcément dans notre musique, mais ils font partie des déclencheurs qui nous ont menés dans certaines directions. Et puis au fond les influences sont en nous… On a tous trente-cinq, quarante ans, notre ADN musical est déjà constitué ! On essaie de fabriquer notre son à nous avec tout ça quoi. Et on a trouvé un mixeur qui a su lier le tout.
LF : Oui, le mixage est excellent ! Pas évident de gérer la richesse de votre musique…
H.T. : C’est typé et riche, oui, en effet ! Moi j’avais envie d’un disque qui soit un peu…. Une essoreuse émotionnelle tu vois ! Qu’on en ressorte vidé ! Et on bosse pas mal pour essayer de rendre ça en concert… On a encore du boulot mais j’aime bien cette idée. C’est la vie, quoi. Après trois albums c’est vrai que les thématiques s’essoufflent, alors tu vas chercher un peu plus profond en toi… Et tu ressors tout ça, ces émotions. Sans être pathétique non plus ! On veut pas faire bouffer toute la misère du monde aux gens… !
LF : En parlant d’influences, je m’excuse mais on ne peut vraiment pas passer à côté de la comparaison avec Noir Désir… Comment vous vous situez par rapport à ça ?
H.T. : Ben… C’est toujours un peu particulier, les étiquettes !
LF : Oui ! Un raccourci à la fois pratique et réducteur…
H.T. : Absolument, oui ! Et puis quand on est musicien on a forcément envie d’entendre qu’on a un son unique, alors une comparaison n’est pas toujours joyeuse…
LF : Oui mais en même temps, on ne peut pas vous confondre !!
H.T. : Dans la mesure en plus où j’ai jamais essayé de singer Cantat bien sûr ! Ma voix est ce qu’elle est, dans les compos aussi y’a sûrement des similitudes… Mais je pense que tout ça est une histoire de généalogie ! Noir Désir par exemple a été très influencé par 16 Horsepower, qui ont été eux même très influencé pas Gun Club… Nous on est pas dans ce genre un peu punk de Gun Club, mais toute cette musique passe par le sud des Etats-Unis, entre autre, et brasse des influences communes. Mais la comparaison me va ! Je préfère ça que plein d’autres choses… Je trouve ça plutôt cool, ça me vexe pas !
LF : Sur vos quatre albums vous avez choisi une reprise, et une seule (Killing in the Name de Rage Against The Machine), pourquoi celle-ci ?
H.T. : Alors, pardon de te reprendre mais…
LF : …mais il y en a d’autres… ? Ah je savais que j’allais faire une boulette !!
H.T. : Haha ! Non je t’en prie… ! Sur le deuxième on en a une de Dominique A, Les Terres Brunes, et un morceau caché, une reprise des Gravediggaz, un groupe de Hip-hop new yorkais .
LF : Bon je rectifie alors ; pourquoi ces choix ?!
H.T. : Non, non ! Alors ne change rien, on reste sur Killing ! Pas de souci ! En fait c’est une succession de hasards, de coïncidences heureuses. On était avec notre premier producteur, on répétait le morceau dans son local sans même penser à un disque à l’époque, et il y a une asso (Travaux Publics) angevine qui a lancé « un concours » de reprises pour mettre sur des albums, chaque album avec une thématique différente. Notre producteur nous a proposeé de participer avec le morceau, dont Raoul avait revisité les arrangements lors d’une soirée… arrosée ! Pour déconner, un peu, on s’amusait. Alors on l’a fait, mais en une prise, rapide, avec un son… « en carton » haha ! Mais c’est aussi ce qui a plu aux gens, Radio Nova s’en est emparé, Les Inrocks en ont parlé -oui, on a notre nom dans les Inrocks quoi !!- et on s’est dit que ce serait dommage du coup de pas la mettre sur l’album… Ca a été une espèce de mini-reprise culte, dans un cercle restreint d’initiés, mais tout de même ! Après on a pas forcément envie qu’il y ait des reprise sur tous nos disques, on en fait encore en live mais un album c’est scellé, c’est un peu une carte de visite en plus… Sur Beauté Pour Tous on voulait pas dépasser les onze chansons, et on trouvait qu’elles étaient toutes bien. On a pas voulu rajouter une reprise qui n’aurait pas forcément été « légitime ». C’est devenu tellement convenu de faire de la reprise décalée maintenant… Nous on l’avait fait dans la foulée de Cake et de sa version de I Will Survive, qui est juste fantastique, mais c’était pas encore trop dévoyé, à mon sens. Maintenant c’est devenu tellement…. Tu arrive dans un label, la première question qu’on te pose c’est « C’est quoi votre reprise décalée ? » ! Alors comme nous on est un peu des têtes de cons et qu’on aime bien contredire les gens, on s’est dit basta pour le moment.
LF : Passons un peu à vos chansons : La Maison De Nos Pères (ma préférée) est un titre chargé -dans le bon sens du terme- et riche, comment vous l’avez construit ?
H.T. : Ah ! Celle-ci j’en suis super content…. C’est une des chansons qui représente le mieux le dialogue entre Raoul et moi pour la composition de cet album… Il a ramené l’intégralité de l’arrangement, et moi j’ai dû trouver des paroles à mettre dessus. Ce que j’avais rarement fait et qui me posait problème d’ailleurs, j’avais pas l’habitude de travailler comme ça. J’ai laissé sortir de mots qui m’ont ensuite mené au sens de la chanson, en quelque sorte… Et c’était aussi une blague à la con sur notre « fraternité », une histoire qui collait bien avec notre biographie imaginaire ! Une histoire où on aurait tous une maman commune qui aurait travaillé dans ce bordel, avec chacun un père différent… On était dans une ambiance musicale assez nord-africaine, genre désert, voire musique de films, des trucs comme ça. Et l’instru étant déjà bien puissant, je voulais pas alourdir les paroles mais rester quand même un peu « rageur ». Alors je suis parti sur cette idée de vieux qui doivent laisser la place aux jeunes, un truc un peu générationnel… Au départ ça devait être un triptyque cette chanson, mais on a préféré se limiter. Même si elle fait huit minutes ! J’en suis particulièrement fier en fait…
LF : Et elle résume parfaitement le groupe je trouve en tout cas ! Pour conclure, mon questionnaire « Fourre-Tout »…
H.T. : Ok, je t’écoute !
LF : Ton idole ?
H.T. : Ah merde…
LF : Ok… Bon, tu n’es pas obligé d’en avoir hein !!
H.T. : Non non, si, heu… Ah oui : Thierry Jonquet. Un auteur de polar. Si je devais avoir une idole, ce serait ce mec-là.
LF : Si tu étais une femme ?
H.T. : Je sais pas… Une femme qui aime bien rigoler, sans doute…. Cléopâtre ?
LF : Ha ha ! Mais est-ce qu’elle aimait bien rigoler ?!
H.T. : Elle en avait les moyens en tout cas !
LF : Ton paradis ?
H.T. : Peut-être la ferme d’un cousin à moi, où je passais tous mes week-ends entre zéro et douze ans… Un lieu où tout était... Possible. Avec mes yeux de gamins, bien sûr ! Je suis pas sûr de trouver l’endroit aussi paradisiaque si j’y retournais maintenant !
LF : Ca reste paradisiaque dans ta mémoire, c’est l’essentiel ! Ton enfer ?
H.T. : Un endroit que j’aime vraiment pas peut-être… Heu… J’ai bien aimé l’école, donc autre chose… Heu… Désolé, non, je bloque là ! Je suis plutôt placide comme garçon alors…
LF : J’allais dire : c’est plutôt positif si tu n’as pas de réponse !
H.T. : Voilà, absolument ! Après je pourrais te donner une réponse, du genre un concert de tel ou tel mec que j’aime pas et qui durerait indéfiniment… Ou des endroits où j’aimerais clairement pas vivre, où je serais très malheureux… Mais c’est pas très intéressant pour les lecteurs je pense ! Désolé…
LF : Ne le sois pas, c’est tout aussi intéressant de savoir que tu n’as pas « d’enfer » !
H.T. : Ben déjà j’y crois pas en plus ! Et puis je suis pas du genre à dire que je vis un enfer, mon quotidien va plutôt bien je trouve !
LF : Blonde ou brune ?
H.T. : Et bien… Brune ! Il y a une phrase comme ça je crois qui dit un truc du genre « Les blondes tu fais la fête avec, et les brunes tu les épouse ». Ben j’ai épousé une brune. On est plutôt brunes d’ailleurs, de manière générale, dans le groupe. On est pas un groupe à blondes… On est pas Mötley Crüe quoi !
LF : La première chose que tu fais le matin au réveil ?
H.T. : La première chose… Ben ces dernières années, depuis presque dix ans, malgré les enfants, le boulot, tout ça, je pensais au groupe. Dès le réveil, en effet. En bien comme en mal, d’ailleurs ! Je trouvais assez génial d’avoir un truc qui me fasse vibrer comme un ado même à trente ans, l’âge que j’avais à l’époque du premier album, et toujours encore maintenant. Penser à la musique… Au point d’aller regarder les mails et la page Facebook du groupe, au lever ! Voir ce qu’il s’y passe, je trouve ça assez magique… Aucune journée n’est pareille et il y en a qui sont très chiantes, mais il y en a d’autres où ça bouge pas mal et c’est intéressant. Autour de la sortie de l’album, surtout, ça s’agite ! Les chroniques, les avis des gens… Donc ça, oui, même si j’adore aller réveiller mes gamins, c’est plutôt la musique !
LF : Ta maison brûle, tu sauve un objet. Lequel ?
H.T. : Un objet, pas une personne ? Ni les chats ?!
LF : Non, on va dire que la maison est vide ! Pas d’êtres vivants à l’intérieur !
H.T. : Ben alors ma guitare. Of course. Une vieille Gibson que j’ai trouvée il y a un moment, qui sonne pas terrible d’ailleurs, mais c’es LE truc que j’aurais envie de léguer à mes gamins.
LF : Et le mot de la fin ?
H.T. : Le mot de la fin… Et bien balances ! Il est l’heure d’y aller je crois !
En effet, synchronisation parfaite, on vient chercher Helmut pour finaliser les balances du groupe. J’assiste donc à la fin des réglages avant le concert, qui fut terriblement bon, et que je vous raconte ici.
Ma parenthèse Annecy se referme là, et je remercie infiniment Arman et Helmut de m’avoir consacré un peu de temps…
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Par Cinnamon Fraise le 18 Novembre 2013 à 15:47
Paris, 30 octobre 2013.
J’ai bien cru que je ne pourrais jamais vous la livrer, cette interview. L’emploi du temps de ma ‘victime’ du jour est si chargé que l’heure du rendez-vous a valdingué à maintes reprises de droite à gauche, voire de bas en haut, façon boule de flipper… Mais on y est arrivé, la rencontre est fixée finalement pour dix-huit heures au café La Laverie, son quartier général, et me voici donc ravie de vous faire partager cet entretien.
Ménilmontant - 16h30
Je découvre le lieu du rendez-vous en avance, il fait frais mais beau aujourd’hui et j’ai décidé de m’offrir un après-midi en mode ‘j’écris à la terrasse d’un café’. Le quartier que je connais un peu est très sympa, et la météo me renvoie mon bonheur d’être là en pleine figure : ciel bleu et soleil inondant les rues.
La Laverie - Rue Sorbier - 18h06
Joseph arrive et me rejoint à l’étage où j’ai finalement posé mes pénates, l’automne commençant à être bien trop frais pour rester en terrasse. Il s’excuse de son retard (six minutes, dois-je lui en tenir rigueur ?), et la discussion démarre immédiatement autour de Dead Boys.
La Fraise : Alors, prêt pour la version « normale » ?
Joseph D’Anvers : La version debout ! Oui, même si je suis encore un peu raide, là… J’ai répété toute la semaine debout, justement, pour voir… Ca va aller, hein, bon, ce sera la version « normale mais un peu raide » !
LF : Mais parlons un peu de toi, d’abord, tu es auteur, compositeur, interprète, écrivain…
Joseph m’interrompe en rigolant, modeste, essayant de nier : « Non, non non ! Ca commence mal, tu t’es pas bien renseignée ! C’est pas moi ça…»
Je lui avoue que ce ne serait pas la première bourde que je commettrais, j’ose lui donner quelques détails (que vous n’aurez pas) et on se marre un instant. Mais je reprends vite le fil du sujet, n’oubliant pas que son temps est compté.
…as-tu assez de place dans ta vie pour y mettre toutes les autres ?
Joseph D’Anvers : Toutes les autres quoi ? Mince, désolé, j’ai déjà oublié la question !
LF : Toutes les autres vies !
JDA : Ah oui ! Non, bien sûr… Heureusement (ou malheureusement), c’est d’ailleurs mon drame depuis le début, je suis passionné par tout et je n’ai pas assez de temps pour tout faire ! Pas assez de place, pas assez de temps ! Surtout que chaque projet que j’initie prend beaucoup de temps, que ce soit un roman, un album… Ca prend du temps et beaucoup d’énergie. Et ce ne sont pas des milieux qui aujourd’hui drainent le plus d’argent et d’enthousiasme… Il faut être la locomotive, sans cesse. En ce moment en plus c’est une période un peu particulière pour moi, j’ai beaucoup de trucs sur le feu : Dead Boys, l’album, des projets avec des gens pour qui j’écris… Alors quand je suis au top c’est super, je pourrais déplacer des montagnes, et puis dans les phases où je suis un peu… « down », du coup c’est plus compliqué. Après le tout c’est de faire les choses comme il faut, quoi !
LF : Tu as un parcours assez particulier (Boxe, Arts Appliqués, Cinéma), comment et pourquoi la musique a-t-elle pris le dessus ?
JDA : Par hasard. Je faisais déjà de la musique avec Polagirl et Super 8, des groupes qui étaient un peu plus underground. On faisait des petites tournées roots où on partait à quatre, les trois musiciens et l’ingé son, on se relayait pour conduire, tu vois, on avait dix-neuf/vingt ans, c’était assez génial ! Mais je savais que je ne gagnerai pas d’argent avec ça et je ne voulais pas en faire mon métier, c’était vraiment à titre de passion. Et puis la bascule s’est faite un jour de printemps, où j’ai rencontré Daniel Darc boulevard Rochechouart. Je lui ai filé ma maquette et je lui ai dit : « Je t’emmerde pas plus, j’aimerais juste que tu écoute, si ça te plait ça va sinon pas grave, on s’en fout ! Si tu trouve ça nul tu me le dis et on en parle plus ! ». Il m’a répondu qu’il ne se permettrait jamais de dire que c’est nul. Qu’à partir du moment où tu as la démarche d’écrire, et de faire écouter, on peut dire ‘j’aime pas’ mais pas ‘c’est nul’. Après il m’a dit « T’as une bonne gueule, toi, viens on va boire un coup ! »
LF : Et vous avez bu des coups…
JDA : Et oui, on a bu des coups ! Et la bascule s’est faite là parce qu’en sortant de cet entrevue je me suis senti galvanisé, je me suis rendu compte qu’on pouvait faire de la musique comme lui faisait, qu’on avait pas forcément besoin d’être médiatisé, y’a juste besoin d’écrire et d’avoir un peu d’argent (c’est pas toujours simple) pour pouvoir produire ce qu’on fait, et puis qu’on pouvait… Je dirais pas être heureux, parce que je ne sais pas s’il était heureux dans la vie cet homme là, mais il avait un truc… Et dès le lendemain j’ai posté un dossier au FAIR (Fond d’Action et d’Initiative Rock). J’étais encore assistant opérateur à l’époque, je bossais sur une grosse pub et le dernier jour du tournage je reçois un coup de fil de la directrice du FAIR qui dit que je suis pris ! Et ce même jour je venais d’avoir aussi une proposition pour partir sur le film de Xavier Beauvois Le Petit Lieutenant… Du coup je me retrouve avec ces deux trucs, avec les gens qui me demandent si je préfère faire du cinéma ou de la musique… Moi j’avais toujours eu les deux, mes deux jambes, en quelque sorte. Et là je me retrouvais confronté à ce qu’on me prédisait depuis des années, à savoir qu’il fallait faire un choix… J’ai beaucoup réfléchi, en même temps Le Petit Lieutenant c’était avec une chef opérateur réputée très dure avec son équipe, une sacrée réputation dans le métier… Alors je suis dis que si je partais trois mois et que c’était l’horreur humainement, même si le film était très bien (et il est bien d’ailleurs) ça allait être difficile. Du coup j’ai pris le pari d’arrêter cette vie là et de partir vers l’inconnu.
LF : Et le FAIR t’a mis le pied à l’étrier, donc ?
JDA : Oui, la directrice m’a dit qu’à partir de là j’allais sûrement recevoir des coups de fil de maisons de disques, de labels, qu’il fallait surtout que je ne dise oui à rien et que je l’appelle avant ! Et une fois que les coups de fils sont arrivés en effet, les choses étaient lancées… Tout ça grâce finalement au hasard, si je n’avais pas croisé Daniel Darc ce jour là… Je ne crois pas vraiment au hasard en fait, mais parfois… Tiens, pour la petite histoire, aujourd’hui à La Maison De La Poésie, en allant poser le matos je tombe sur un pote de lycée, un grand ami même, que j’avais pas vu depuis mes dix-huit ans, genre. J’avais essayé de retrouver sa trace pendant des années, tu vois, sur Facebook, internet, mais rien… Et là on se retrouve face à face, on va se revoir et c’est cool. Alors le hasard…
Il sourit, il a les yeux qui brillent. Il rajoute « Et du coup je suis vachement content, quoi ! »
LF : Concernant tes albums, l’évolution ‘rock’ est flagrante, et s’impose carrément sur Rouge Fer. Le prochain suit-il le même chemin ?
JDA : Pas du tout. En fait, dès le début j’ai considéré le premier (Les choses En Face) comme une parenthèse. Je venais de Polagirl et Super 8, des groupes qui envoyaient, qui avaient la patate, bien rock quoi. Enfin moins Polagirl, surtout Super 8. Polagirl c’était très… Tiens, d’ailleurs, je te livre un scoop : on va peut-être remonter le groupe. On a réécouté récemment et c’est vachement d’actualité en fait ! Une voix slammée sur une musique rock, on s’est dit que c’est maintenant que ça marcherait ! Et donc quand j’ai signé le projet ‘Joseph D’Anvers’ on m’a signé pour ce projet là. Mais j’ai prévenu le label tout de suite, je leur ai dit que moi je ne voulais pas forcément faire de la chanson française. J’avais un peu des idées à la con à l’époque… Du coup c’est mes potes qui m’ont mis au défi : « Ben vas-y, écris des chansons en français toi, si c’est si facile ! ». Et puis je me suis pris au jeu, j’ai voulu faire les choses bien et plus par défi, je me suis jeté à fond dans le projet… Mais toujours en prévenant la maison de disques que je venais du rock et que les albums suivants seraient différents ! C’est pour ça que dès le deuxième j’ai voulu bosser avec le producteur des Beastie Boys, des mecs de cette trempe là, parce que c’était plus proche de ce que j’étais vraiment. Et Rouge Fer, du coup, c’est celui qui est le plus proche de ça. Y’a des sonorités Polagirl, un peu, avec dix ans de plus bien sûr… Mais paradoxalement, le prochain sera finalement différent. Je me suis dit que j’avais pas envie de continuer, ce serait finalement synonyme de retour en arrière en fait. Je me suis dit que maintenant j’allais essayer de faire une synthèse des trois albums. En avançant dans l’âge, en plus, j’ai plus envie de ressembler à Nick Cave qu’à Block Party tu vois ! Du coup cet album a été conçu un peu plus dans cette idée là. On me parle souvent des mes ‘aînés’, Miossec, Dominique A, Bashung, Daniel Darc, Gainsbourg… Et je me suis dit voilà, pourquoi pas essayer de faire un album un peu plus ‘français’ (même si c’est toujours un peu difficile de mettre des mots sur ce que tu fais), un peu plus classieux… Avec un peu moins de recherche sur les sons, juste faire tenir un album debout avec guitare-basse-batterie-piano. Donc non, pas d’évolution plus rock !
LF : Au fil de ces albums tu as eu des collaborations assez variées, est-ce qu’il y en a de prévues sur le prochain ?
JDA : Oui, justement pour Rouge Fer j’avais eu l’accord d’Alison Mosshart qui devait chanter sur un titre. Mais à l’époque elle était avec Jack White dans The Raconteurs et malheureusement son planning ne collait pas avec le mien, j’avais juste quinze jours de studio payés par le label je pouvais rien décaler… Du coup je me disais pourquoi pas, même sur album plus calme y mettre un genre de rockeuse comme ça ce serait cool, j’aimerais bien une voix anglo-saxonne… Mais rien n’est bouclé ! En fait sur chacun des albums à chaque fois les collaborations sont venues assez tard. Pour Miossec c’était au bout d’une semaine de studio, on me dit qu’il y a un mec qui veut venir chanter sur mon album, « c’est Miossec » ! Genre ah ouais, mais sur quoi, merde, quand, quand ?! Et puis sur le deuxième à Los Angeles on me présente Money Mark, il me dit qu’il a entendu ma chanson au mixage et me demande si j’ai pas besoin d’un clavier dessus, je lui réponds que non mais que j’ai besoin d’une voix et c’est arrivé comme ça… Et Troy c’est pareil…
LF : Justement, en grande fan de Chokebore je voulais te demander comment tu en étais venu à travailler avec le chanteur (Troy Von Balthazar)…
JDA : Ben Troy en fait on s’est rencontrés à Troyes… C’est marrant, ça, de rencontrer Troy à Troyes ! On avait fait là-bas un co-plateau avec Dionysos. On a bouffé tous les deux et j’ai fini par lui lâcher que j’étais fan de Chokebore, je voulais pas en faire trop en même temps, j’avais entendu dire que le mec était un peu compliqué… Et puis on a vachement discuté, il s’avère qu’il est bien cool, il m’a dit qu’il avait vu mon show et qu’il avait bien aimé, genre dithyrambique et tout… Et moi j’étais là, putain, Chokebore quoi ! Faut savoir que j’ai crée Polagirl après un concert de Chokebore, tu vois… Un genre de révélation, quoi ! Bref après ça on s’est perdu de vue, et un jour il m’envoie un mail qui me dit « Je suis à Paris, est-ce que ça te dit qu’on aille se boire un coup ? ». On se revoie deux-trois fois, lui il voulait s’installer par ici, il cherchait des contacts auprès des labels, moi j’avais une chanson que je n’arrivais pas à boucler, j’étais prêt à laisser tomber. Et puis j’ai eu trois jours supplémentaires d’enregistrement au studio, j’ai fait venir un nouveau guitariste qui a trouvé le morceau super et on l’a bouclé en un après midi. Mais j’avais toujours pas fini les refrains, c’est moi qui chantait dessus mais je faisais ‘la la la’, j’aimais bien parce que je le faisais un peu à la Jesus & Mary Chain, mais j’avais pas de texte ! Et j’ai fini par envoyer un message à Troy. On s’est retrouvé à La Fée Verte (un bar à absinthe !) je lui ai fait écouter le titre, il a bien aimé et quand je lui ai dit que je n’avais pas de paroles, il m’a dit qu’il allait s’en charger. Trois jours après il débarque au studio, il me balance le texte, la ligne de chant…. Et là j’ai Troy dans le studio, quoi ! C’était génial de le diriger parce qu’il s’est vachement prêté au jeu, et il était super content du résultat à l’arrivée. Moi en plus à chaque fois, à chaque collaboration je demande la validation de l’artiste. Je leur demande s’ils veulent changer des trucs, refaire des prises. Ils savent très bien que c’est pas avec moi qu’ils vont passer sur NRJ ou se payer une maison à Malibu, et c’est pareil pour les réalisateurs sur les albums, les américains ou encore Darrell Thorpe je les ai tout de suite prévenus que je pourrai pas les payer comme les Beastie Boys ou MacCartney ou Radiohead… Mais je leur dis « Si y’a du kif, venez ! » et j’ai toujours eu la validation directe des mecs.
LF : C’est assez valorisant, finalement…
JDA : Oui, c’est sûr que ça flatte l’ego ! C’est vrai qu’à chaque fois sur mes albums j’ai eu de la chance, de belles rencontres, des bons parrains… Je me dis des fois que j’aurais pu approfondir telle ou telle chose, mais avec le recul je suis fier de ce que j’ai fait !
LF : Pour revenir à Dead Boys, est-ce que le spectacle a eu une influence sur tes nouvelles écritures ?
JDA : Non, en fait Dead Boys a plus eu une influence sur Rouge Fer. J’ai lu le bouquin pendant que j’écrivais l’album et je ne sais pas trop dans quelle mesure il l’a influencé, mais il l’a influencé c’est sûr…
LF : Sans doute dans son côté road-movie je pense… Rouge Fer -à mon sens- sonne vraiment comme un road-movie, à l’image du bouquin de Richard Lange.
JDA : Oui, ça a marqué l’album d’une certaine façon. Quand je fais un disque je n’écoute pas de musique, comme beaucoup, d’ailleurs. Si t’écoute autre chose pendant que tu bosse ton truc, tu te file des complexes, ou tu t’éparpille, ou tu finis par trop coller à tes modèles… Du coup moi je regarde des films et je lis des bouquins. J’en sors parfois de bonnes idées d’histoires, je me demande si je peux mettre en chanson ce qui a été raconté autrement… Pour le prochain album j’ai essayé de me sortir un peu de tout ça, j’ai un peu changé mon vocabulaire, ma façon d’écrire, mes thématiques… J’ai essayé de faire en sorte qu’il soit moins abîmé, moins rugueux que Rouge Fer. Plus simple, plus accessible. Et paradoxalement, c’est celui que j’ai le plus travaillé… Ca fait un an que je suis dessus et on est toujours pas en studio. J’ai retravaillé les chansons, les textes, je me suis forcé à simplifier. Parfois je me disais « Trop littéraire, tout ça, t’écris des chansons, pas un roman ! ». Et puis en même temps j’ai aucune prise sur ce que tout ça va devenir après, en fait. Pour Sweet 16, une chanson qui parle de la schizophrénie, je me suis inspiré d’un morceau très dark qui était sur la BO de Breaking Bad. J’avais envie de faire un truc très très sombre un peu à la Killing Joke, Danzig… Et puis ben j’ai pas la voix du mec, on est d’accord ! Du coup c’est devenu Sweet 16. Et quand un jour on m’a dit que ça pouvait devenir un single, j’ai trouvé ça marrant parce que c’est pas du tout comme ça que je voyais les choses… C’est comme quand on me dit que je fais du rock, tu vois. J’ai envie de dire les gars, écoutez Super 8, ça c’était vraiment du rock ! Et en même temps on dit que Bashung faisait du rock alors oui, peut-être que j’en fais aussi… C’est très compliqué finalement les points de vue ! T’auras beau écrire mille fois ‘le ciel est bleu’, y’en aura toujours un qui viendra te demander pourquoi t’as voulu dire que le ciel était gris… Non, mec, j’ai bien écrit que le ciel était bleu ! Et c’est tant mieux quelque part, même si moi j’aime bien tout maîtriser…
LF : Tu as écrit un très bel album pour Dick Rivers ; comment s’est passée la collaboration ?
JDA : Bien, bien… On s’est rencontrés aux Franco, à la Folie… (Il s’interrompe et se marre) A la Rochelle, je veux dire ! Je devais jouer sur la grande scène avec lui, on reprenait Walk The Line de Johnny Cash, c’était la première fois que je jouais devant autant de monde ! Juste guitare voix en plus… Je tremblais tellement que je n’arrivais même pas à brancher le jack dans l’ampli ! Je me suis dit que ça commençait plutôt mal… Tout s’est bien passé finalement, et ça a été une vraie rencontre. Comme un coup de foudre avec une femme, tu vois ! Il m’a demandé de lui écrire des chansons. A l’époque j’écrivais pour Bashung, j’avais plusieurs titres mais certains m’ont paru être plus faits pour Dick.
LF : Je me demandais comment tu avais abordé cet album. Avec des chansons déjà prêtes, ou que du neuf ?
JDA : J’ai quasiment tout écrit sur mesure. Après sur les douze chansons y’en avait une que j’avais faite pour moi, par exemple, et que j’ai gardé pour lui. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de cet album, pour Bashung ça a été pareil, il fallait que ces chansons puissent être chantées aussi bien par eux, des mecs qui ont soixante balais et tout ce bagage, que par moi, qui à l’époque avait la vingtaine… Etre crédible dans les deux cas. En faire quelque chose d’universel. Mais finalement avec Dick ça a été assez facile, comme il l’a dit lui-même « Je suis un interprète, de la pâte à modeler. Emmène-moi où tu veux » ! Et tout s’est bien passé.
LF : Tu as aussi écrit un roman, comment est-ce arrivé dans ta vie ?
JDA : Une commande. L’éditeur voulait une série de quelques polars écrits par des chanteurs, on devait être plusieurs dont Arthur H entre autres je crois, et puis finalement tout le monde s’est débiné et il n’est resté que moi ! Ca a été un long travail, j’ai passé presque un an déjà sans rien écrire, à créer l’histoire dans ma tête... Et puis après je l’ai monté, petit à petit, je voulais une construction bien particulière en plus. J’ai été très absorbé par le projet pendant un moment ! Mes proches m’ont d’ailleurs gentiment fait remarquer que j’avais pas été très cool pendant cette période… Et moi je ne me suis rendu compte de rien ! Mais je suis fier de l’avoir écrit, et surtout fier de l’avoir fait malgré mon vieil ordi dont la touche apostrophe ne marchait plus ! J’étais obligé d’aller sur internet pour les copier-coller, un truc de dingue… Et crois-moi, dans un roman il y en a des apostrophes !!
LF : Un deuxième en prévision, peut-être ?
JDA : Peut-être, je sais pas encore. Pourquoi pas ?
LF : Revenons au projet Dead Boys, que tu joues demain à La Maison De La Poésie. Comment t’es venue l’idée du spectacle ?
JDA : Une commande…
LF : Encore ! Décidément…
JDA : Oui, dans le cadre du festival Le Marathon des Mots à Toulouse, ils m’ont demandé de choisir un auteur pour une lecture musicale. Je ne voulais pas forcément choisir un auteur français, j’ai hésité et puis je suis parti sur Richard Lange. Je les ai tout de suite prévenus que j’étais pas comédien, que je ne voulais pas (et pourrai pas) jouer les textes mais plutôt les raconter. Et puis le spectacle a plu, et j’ai décidé d’essayer de l’exporter un peu partout. Ca se fait doucement, je commence à avoir pas mal de contacts et ça se met en place.
LF : Comment est-ce que tu as choisi les extraits que tu lis ?
JDA : J’ai d’abord pris ceux qui me plaisaient, et puis j’ai beaucoup élagué ! J’ai surtout gardé ceux qui ‘sonnaient’ bien. Pas de phrases trop longues, plutôt ceux qui étaient bien rythmés.
LF : Tu as inclus quelques morceaux à toi, pourquoi ceux-là en particulier ?
JDA : Parce que je trouvais qu’ils allaient bien avec les histoires que je raconte dans le spectacle. Las Vegas bien sûr pour le lieu, mais aussi Ma Peau Va Te Plaire, qui parle d’une prostituée, ou La Chute et Les Cicatrices collaient bien aux personnages.
LF : Pour finir, un questionnaire ‘Fourre-Tout’… Ton idole ?
JDA : J’ai pas d’idole. J’admire beaucoup de gens bien sûr, surtout les gens qui sont raccord avec leur œuvre. J’ai plus de mal avec ceux qui se donnent des postures, et qui au fond ne sont pas la personne qu’ils nous montrent. Ou ceux qui sont là pour engendrer du fric sous couvert de l’art… J’ai envie de laisser quelque chose de valable, de respectable. Un jour j’ai entendu dire « Qui se souvient de l’homme qui était le plus riche de Vienne à l’époque de Mozart ? Personne. Mais tout le monde se souvient de Mozart ». Je ne prétends pas être Mozart bien sûr ! Mais c’est l’idée.
LF : Ta couleur préférée ?
JDA : Heu… Allez, le noir.
LF : Ton paradis ?
JDA : La tranquillité (Je souris, il rigole)… Non c’est vrai, des fois j’ai envie de partir, de m’isoler, juste qu’on me foute la paix ! Un jour d’ailleurs je disparaîtrai, peut-être… En emmenant mes proches bien sûr, je me barrerai sans prévenir et sans dire où je vais !
LF : Ton enfer ?
JDA : « L’enfer c’est les autres ». C’est tout à fait ça. Mon enfer c’est l’autre, les hommes, ce qu’ils sont en train de devenir. Je ne parle même pas des guerres, au-delà de ça, c’est tous les jours dans le quotidien. Se choper pour rien, pour un refus de priorité ou un regard appuyé, genre c’est moi qui ait la plus grosse, quoi. Ca me sidère.
LF : Blonde ou brune ?
JDA : Les deux ! J’ai pas de préférence. Heu… On parle bien des femmes ?!
LF : Je laisse ça à l’appréciation de l’interviewé !
JDA : De toute façon, c’est pareil pour la bière… Pas pour les clopes en revanche, je ne fume pas mais si je fumais ce seraient des blondes…
LF : La première chose que tu fais le matin en te levant ?
JDA : Je râle.
LF : Oh, c’est pas bien ça…
JDA : Plein de trucs à faire, trop, tout le temps, alors je râle !
LF : Ta maison brûle, tu sauves un objet. Lequel ?
JDA : Un objet ? Probablement une de mes guitares.
LF : Le mot de la fin ?
JDA : « Faut que j’y aille, je suis à la bourre » !! Après je vais pas être bien demain matin et je vais râler encore plus fort…
On rigole, on se dit au revoir et à demain pour Dead Boys, il file dans la nuit parisienne et quand je quitte le bar à mon tour la serveuse me dit que mon café est déjà réglé, quel gentleman ce Joseph…
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