-
9-Nina : Et soudain tout se fige autour d'elle
Centre d’art moderne Winzavod - Moscou - Novembre 2012
Elle recule pour avoir une vue d’ensemble sur la salle. N’en croit pas ses foutus yeux. Ses toiles, à elle, ici. Elle peut dire merci le START1, merci internet.
Le traiteur est arrivé, l’installation des petits fours a commencé, tout le monde est en ébullition. Elle a un pincement au cœur en pensant à Simon qui n’est pas là, sort fumer une cigarette avec Yelizaveta, la directrice de l’expo.
Nina lui répète à quel point elle est ravie et flattée d’être ici, Yelizaveta lui garantit qu’elle le mérite et que c’est à la hauteur de son talent. Dans un anglais approximatif elle insiste sur les tableaux représentant le visage d’homme. Souligne la différence avec les autres et lui dit que sa peinture prend vraiment une tournure de plus en plus intéressante.
Nina reçoit tous ces compliments en souriant. Elle sait qu’il a changé sa façon de peindre.
Elle lui demande si cet homme existe, si c’est quelqu’un en particulier. Nina tente de noyer le poisson mais la femme n’est pas dupe, les artistes ont toujours des muses. Elle finit par cracher le morceau timidement.
« He’s my man »
Elles se sourient d’un air entendu, bien sûr, l’amour est la meilleure des inspirations.
Elle rentre à l’hôtel prendre un bain chaud, qu’est-ce qu’il fait froid dans ce putain de pays ! On lui a conseillé de se saper pour le vernissage mais les robes de soirées ce n’est pas vraiment son truc. Elle compte bien rester elle-même.
En sortant de la salle de bain elle jette un œil sur Twitter, les encouragements fleurissent. Ceux de Stan surtout, déguisés en blagues à la con, ça la fait rire et l’aide à déstresser.
Et puis un message d’une galerie parisienne : ils veulent l’exposer. Le plus tôt possible après Moscou. Ils veulent savoir combien de toiles elle pourrait leur fournir.
Elle sourit toute seule, dans son peignoir trop grand aux couleurs de l’hôtel.
Mais pas de nouvelles de Simon. Elle hésite à se manifester. Préfère attendre le lendemain, ou non, maintenant…
Elle renonce finalement et commence à se préparer. Elle n’a plus qu’une heure.
*
Il y a déjà des gens qui attendent devant pour entrer, par ce froid, Nina se dit qu’ils sont fous. Yelizaveta lui fait quelques recommandations, lui dit de ne pas se faire de souci. Tout ira bien. Surtout, qu’elle réponde aux questions, les acheteurs veulent toujours tout savoir. Pour faire semblant de comprendre.
Les portes s’ouvrent et la foule -oui, la foule- s’amasse à l’intérieur. La plupart bien sûr se précipite sur le buffet mais beaucoup vont vers les tableaux. Même si elle ne comprend pas le russe elle sent tout de suite qu’ils sont enthousiastes.
Elle inspire un grand coup, toute fière de ce qui se passe. Yelizaveta lui fait un petit signe de loin, tout va bien, oui.
Elle se retourne sur un serveur qui passe pour attraper une flûte de champagne, et soudain tout se fige autour d’elle. Le temps s’arrête et la foudre parcourt son corps tout entier. Ses yeux ont l’air de vouloir sortir de leurs orbites. Elle ne respire plus. Submergée par une vague d’émotion si intense qu’elle va en crever.
Simon est là, devant elle. Elle est au bord des larmes, au bord du fou rire, au bord du gouffre.
« Putain, tu… Putain de merde ! »
Il l’embrasse, elle l’attrape et le serre comme si sa vie en dépendait. Elle tremble.
« On a jamais fait un truc comme ça pour moi, putain ! Oh putain ! » lui lâche-t-elle à l’oreille.
Les émotions fortes l’ont toujours rendue grossière. Elle s’en fout, de toute façon ici personne ne comprend. Sauf Simon. Simon, merde, il est là…
1Programme de soutien aux jeunes artistes
A suivre...
L'intégralité de l'histoire ici : Entre Mes Mains
-
Commentaires