• Grand Soir

    - Arman Méliès & Alex Beaupain - Istres -

    - L'Usine -


    Grand Soir

      

    Après Joseph D’Anvers à Manosque, c’est au tour d’Arman Méliès de se rapprocher de chez moi : le dix octobre, il joue en première partie d’Alex Beaupain à Istres. Même s’il n’est pas la tête d’affiche cette fois-ci, je ne risque pas de le manquer. Le concert de la Maroquinerie m’a laissé un goût de trop peu, il m’en faut encore…

    Et à peine levée ce matin-là j’y pense déjà, moi aussi j’habite un pont sur la mer, moi aussi je ne parle qu’aux mouettes et moi aussi je rêve de plus belle... Addict. Heureusement j’ai la chance de pouvoir bosser en musique et je m’injecte alors, avec un sourire béat, une dose massive de cette drogue si parfaite… L’impatience rend insupportable cette journée d’une longueur indécente et j’ai beau essayer de travailler, de penser à autre chose, ses envolées de guitares et sa voix vibrante tournent en boucle dans ma tête, sans répit et sans fin.

    Quand le soir arrive, enfin, c’est dans la fraîcheur d’un début d’automne que je prends la route pour L’Usine, salle où a lieu le concert de ce soir.  En arrivant je suis surprise de trouver le parking peu rempli, m’inquiétant un instant d’une éventuelle annulation de la représentation mais non, tout va bien, il y a des gens à l’intérieur. Enfin…. Quelques personnes, quoi. Ce soir la grande salle est fermée et c’est sur la petite scène du Club que le concert aura lieu. On doit être une grosse centaine, pas beaucoup plus. Dommage pour les recettes, mais comme je préfère l’intimité des petits concerts je suis plutôt ravie. En plus on peut s’asseoir, ils ont laissé les tables, ambiance café-théâtre. Parfait. Here Are The Young Man est diffusé sur un écran juste au-dessus du bar pendant qu’on patiente, et me ramène inévitablement à Joseph D’Anvers et à son roman La Nuit Ne Viendra Jamais, dit « sombre comme une chanson de Joy Division »… C’est à ce moment précis que la lumière s’éteint, qu’Arman monte sur scène et attaque son premier morceau. Ça y est, je suis dedans, encore plus près qu’à Paris, prête à en prendre plein les yeux et les oreilles. Je le sens fébrile, faire une première partie implique de convaincre un public, parfois réticent. Il en a d’ailleurs fait les frais une fois, à Marseille, avant Julien Doré, présentant à une audience mitigée un Gran Volcano hors-normes, malheureusement pas apprécié à sa juste valeur...

    Mais pas d’inquiétude, certains sont là pour lui aussi cette fois, et la chaleur des applaudissements est immédiatement rassurante. Je m’abreuve de ses chansons, reconnais la nouvelle version de Casino découverte à la Maroquinerie, déplore l’absence de ma préférée (Mille fois par jour) et me laisse emporter loin très loin par les solos de guitare. Car Arman est guitariste, avant tout, et c’est là qu’il est le plus à l’aise d’ailleurs. C’est dans ces moments qu’il s’oublie, qu’il devient un autre ou un vrai lui-même, qu’il irradie. Il n’en néglige pas pour autant les sons électroniques qui sont la couleur de son dernier album, et qui font gronder les tripes.

    Il n’est pas du gente bavard, Arman, et il enchaîne les morceaux en osant à peine parfois quelques mercis, préférant se réfugier derrière ses cordes vocales et de métal, et trop vite c’est déjà le dernier. Et pas des moindres. Sylvaplana. Magique, incendiaire, envahissant. La scène vole en éclat, le plafond explose, mon cœur se réfugie dans ma gorge et mes bras se paralysent. J’en reste figée, le regardant saluer et s’en aller, suivi de ses musiciens, voilà, c’est la fin. La tension retombe doucement tandis que les lumières se rallument, je reprends mes esprits en me demandant si je reste pour la suite, après tout oui, je suis curieuse. Je connais peu Alex Beaupain mais il me paraît fort aimable, et un concert est toujours l’occasion de se faire une vraie idée d’un artiste. Je n’allais pas être déçue, oh non.

    Il entame son premier titre et tout de suite j’ai peur qu’on bascule du côté (obscur) de  Bénabar, la variété ultra consensuelle n’est pas vraiment mon truc. Mais non, il reste en deçà de la limite autorisée, et se dirigerait plutôt vers un Julien Clerc -et pour cause, ils ont travaillé ensemble- de la grande époque, titillant mon incurable nostalgie. Je découvre au fil des morceaux une voix incandescente, une émotion variable au gré des chansons, et surtout un show-man incontestable. Chaque transition est marquée par des propos drôles, sympathiques, cinglants juste comme et quand il faut, un jeu constant de je-t’aime-moi-non-plus avec ses musiciens qu’il n’hésite pas à malmener, pour le plus grand plaisir du public qui en rit avec lui. Le Julien Clerc de l’an deux-mille se changeant alors en Fabrice Lucchini. Une question me taraude cependant : est-ce que  tout est très bien écrit ou est-il incroyablement doué pour l’improvisation ? C’est impossible à savoir, et c’est là tout le talent du personnage. Car les comparaisons sont bien réductrices, finalement. Alex Beaupain est doué, et unique. Le set de ce soir le prouve, il réussit à mettre au même niveau d’intensité deux morceaux diamétralement opposés, deux reprises, la touchante Je Ne Peux Vivre Sans T’Aimer de Catherine Deneuve et la flamboyante Chacun Fait Ce Qui Lui Plait de Chagrin d’Amour. Un grand écart culturel parfaitement assumé, digéré et sublimé.

    Alex Beaupain se balade sur un fil, le fil du rasoir, duquel il tente de ne pas tomber pendant tout le show, dissimulant ses failles derrière un humour sec et noir et des mélodies entraînantes. Mais ces failles ont su se frayer un chemin à travers sa voix, qui parfois se brise sensiblement, dévoilant ainsi l’émotion de l’homme, sans masque et sans fioriture. Essoufflé, presque hagard, il salue en compagnie de ses musiciens avant de quitter la scène et de me laisser là, conquise et déjà en manque d’une prochaine fois. Je crois que maintenant je peux le dire : j’aime Alex Beaupain.

    Le voyant apparaître dans la salle quelques instants plus tard, je ne peux m’empêcher d’aller lui faire part de tout ceci, retrouvant sans surprise et avec plaisir l’homme sympathique et drôle qu’il a été sur scène. Après une petite signature sur le billet du concert (la groupie que je suis ne repart jamais sans un souvenir), c’est au tour d’Arman de recevoir mes compliments. Il le savait déjà depuis Marseille et la Maroquinerie, mais ces choses-là se disent et se redisent éternellement. Pas de séance de dédicace avec lui, tout ce que je possède de lui est déjà signé bien sûr, et je les quitte, des étoiles plein le cœur.

                 De retour chez moi il est bien tard mais je décide quand même de me pencher sur les productions studio d’Alex, histoire de le découvrir un peu plus. Je surfe d’un titre à l’autre, tentant de retrouver l’intensité ressentie ce soir, mais reste un peu perplexe : tout cela est bien lisse, ma foi. Les jolies mélodies sont là, bien sûr, les mots ne se cachent pas et les chansons sont belles, drôles ou même cinglantes, à son image. Mais sans faille : celles que j’ai pu entrevoir à Istres ce soir manquent cruellement. Il entre malgré tout dans mon lecteur mp3 par la grande porte, car j’ai bien envie de l’écouter encore, et il me trouble parfois presque autant qu’Arman ou Joseph. Mais il va devoir pédaler sec pour rattraper le peloton de tête. Tout n’est pas perdu, je remarque soudain la chemise qu’il porte sur la pochette du disque : en jean, bleue, comme Joseph. Vivement le prochain album.

     

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    L'actu d'Alex Beaupain : https://www.facebook.com/alexbeaupain?fref=ts

    Sa musique : http://www.deezer.com/fr/artist/144246

    L'actu d'Arman Méliès : https://www.facebook.com/armanmelies?fref=ts

    Sa musique : http://www.deezer.com/fr/artist/55159

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